Les vases sans décor, à vernis noir et à décor linéaire de la collection Beaufort sont des vases communs des tombes étrusques de l’époque hellénistique. Ce type de mobilier se retrouve en nombre dans les tombes de Tarquinia, où le général de Beaufort a été en garnison, par exemple dans les tombes voisines 5434 (fin IVe siècle – milieu du IIIe siècle av. J.-C.) et 5430 (milieu du IIIe siècle av. J.-C.) de la nécropole de Monterozzi de Tarquinia. Les similitudes entre ces différents vases s’expliquent par leur rôle dans le rituel funéraire, le banquet et les soins du corps.
La tradition grecque du symposion a été réadaptée dans le monde étrusque et consiste en un banquet consacré au vin, aux jeux et autres loisirs. Le vin n’était pas bu pur, ce qui est considéré comme une pratique barbare, mais mélangé à de l’eau, diverses épices et autres ingrédients. C’est pour cette raison qu’il existe différentes formes de vases consacrées à cette pratique, toutes ayant un rôle particulier. En effet, ces vases pouvaient servir à stocker, mélanger, servir et boire. Le symposion imposait donc une fonction précise pour chaque récipient, expliquant ainsi les ressemblances formelles entre chaque vase. En outre, certains de ces vases sans décor, à vernis noir et à décor linéaire sont également à classer dans la catégorie des vases à parfum. Cela est dû au fait que les Étrusques apportent une importance particulière aux soins du corps. Il faut aussi prendre en compte la présence régulière des vases à parfums dans les tombes, comme c’est le cas ici, puisque les instruments de beauté (parfum, huiles, onguents, etc.) jouent un rôle dans le bon accomplissement du rituel funéraire.
Selon A. Shepard, l’étude des vases peut être abordée de 3 manières différentes : par la fonction, par l’esthétique et par la taxonomie. Nous nous appuierons ici sur une étude par fonction, qui se divise entre vases à puiser et à verser, vase à conserver, vases à boire et vases à parfums.
Les vases à puiser et à verser se comptent au nombre de quatre dans cette partie de la collection : une oenochoé à vernis noir, un lagynos et une olpé achromes. Les analogies formelles entre ces vases nous permettent de les classer dans les vases à verser : lèvre étroite, col étiré en hauteur, et panse ovoïde accompagnée d’une anse, le tout permettant de contenir le vin et de verser aisément et avec précision.
Les vases à conserver adaptent une morphologie différente, requise par leur fonction. Dans l’échantillon de la collection que nous étudions, seuls deux vases sont compris dans cette catégorie : un stamnos et une olla, tous les deux en céramique recouverte de vernis noir, avec des décors linéaires dans une imitation du style de Gnathia pour la seconde. Tous deux de petites dimensions, ils comportent une lèvre étroite, un col bas et une panse ovoïde large, formes adaptées à la conservation de grande quantité de liquide. Toutefois, il faut noter qu’ici ces deux vases sont de petites dimensions.
Les vases à boire constituent une partie conséquente de la collection. Au nombre de huit, ils sont composés de quatre bols, l’un achrome et trois à vernis noir, d’un canthare à vernis noir à motif végétaux, ainsi que d’une kylix et d’une patère, toutes deux entièrement recouvertes de vernis noir. Malgré des formes variées, ces vases présentent tous des lèvres larges et évasées, la plupart du temps sans col, ce qui facilite la consommation du vin.
Kylix 1967.2.1142.19 et phiale 1967.2.1142.23 Bol 1967.2.1142.16, guttus 1967.2.1142.17, bol1967.2.1142.21 et bol 1967.2.1142.20
Enfin, les vases à parfums, au nombre de cinq, n’appartiennent pas au service du symposium mais demeurent une typologie commune dans le mobilier des tombes étrusques. Composés de deux balsamaires et de trois unguentari, tous achromes, ils se caractérisent par leur petite taille ainsi que leur lèvre étroite et leur col étroit et étiré en hauteur, parfaits pour la conservation de parfums et d’onguents.
Enfin, les vases contenus dans le mobilier des tombes proposent des typologies similaires, qui permettent d’identifier leur fonction. Néanmoins, et comme l’explique J.-P. Morel, ces grandes catégories de fonctions restent larges et la fonction précise de chaque vase – si elle n’a pas été renseignée par des sources textuelles ou inscriptions sur des exemplaires similaires – reste inconnue. De plus, à l’époque hellénistique on assiste à une multiplication des lieux de production, ce qui contribue à la prolifération de formes de vases similaires. Néanmoins, cette période est également propice au développement de nombreuses formes nouvelles, expliquant la variété formelle pour chaque typologie. L’unguentarium est par exemple une forme nouvelle, sans pour autant présenter une nouvelle fonction. Par ce dernier critère, elle pourrait s’apparenter à l’aryballe ou à l’alabastre, mais sa silhouette est novatrice. Cette importance numérique des vases sans décor, à vernis noir et décor linéaire dans les tombes peut expliquer leur importance dans les collections d’objets étrusques.
Bibliographie
- C. Bron, « Verser à boire, choé et oenoché sur les vases attiques », Pallas, 63, 2003, p. 17-23.
- L. Cavagnaro Vanoni,Tombe tarquiniesi di età ellenistica: catalogo di ventisei tombe a camera scoperte dalla Fondazione Lerici in località Calvario, Rome, 1996.
- La Collezione Casuccini: ceramica attica, ceramica etrusca, ceramica falisca, Rome, 1996.
- J.-P. Morel, Céramique campanienne : les formes, Rome, 1981.
- O. Shepard, Ceramics for the Archaeologist, Washington, 1956.