La Tombe des Anina

La Tombe des Anina : vue depuis le fond de la chambre funéraire vers l’entrée, encadrée des figures de Charun et Vanth. Auteur : Canelle Ledieu, Apolline Picard, Sarah Guillemin, Youna Froger, Léa Malingre.

La tombe des Anina est une tombe hypogée à chambre unique, située dans la nécropole Scataglini à Tarquinia. La chambre de plan presque carré mesure 6,8 m sur 7 m. Elle possède un plafond plat et irrégulier. Elle est décorée de fresques sur ses parois représentant des génies funéraires et évoquant le voyage des défunts vers l’au-delà. La tombe fut découverte en 1963 par la Fondation Lerici, fondée par l’ingénieur milanais Carlo Maurilio Lerici en 1947. Les archéologues y trouvèrent quelques objets ainsi que des tessons. Une grande partie du mobilier avait disparu car la tombe avait été pillée avant sa découverte. Les différents objets furent collectés et étudiés permettant alors de dater la tombe des Anina entre le IIIe et le Ier siècle av. J.-C. 

Le décor de la tombe se compose de fresques. Deux personnages encadrent la porte d’entrée. A gauche, un démon à la peau bleue. Des serpents entourent ses bottines et ses cheveux. Il est ailé sur le dos et sur la tête. Il est vêtu d’une tunique ceinturée et tient un maillet. Il a le nez crochu, il est barbu et a les cheveux longs. À gauche se trouve un autre démon féminin. Elle a la peau blanche. Elle est ailée et a des serpents à ses bottines. Elle porte une tunique courte avec une ceinture croisée sur la poitrine. Elle tient une torche. Sur le mur de gauche, on retrouve les deux mêmes personnages se faisant face. Entre eux se trouve une inscription. Sur le mur du fond, la corniche est peinte. On y trouve des inscriptions, dont le nom “Anina”, et une frise de métopes encadrant deux festons de feuilles croisées d’un ruban rouge.

L’iconographie des images de la tombe est liée à la topographie de l’au-delà par la présence de créatures infernales, comme Charun tenant un marteau, et Vanth tenant une torche pour éclairer la route dans les profondeurs de l’au-delà sur la paroi d’entrée. La tombe des Anina est remarquable par la représentation de l’au-delà à deux reprises, sur la paroi d’entrée et sur la paroi de gauche, où Charun et Vanth se font face, séparés par des inscriptions indiquant les noms des défunts.

Charun est le principal démon masculin des Enfers étrusques. Cette figure démoniaque symbolisant le passage de la vie à la mort, est une figure emblématique de la nouvelle conception de l’au-delà étrusque et des croyances religieuses et eschatologiques, transmises à partir du monde grec au Ve siècle av. J.-C.. Le démon Charun est souvent représenté dans les peintures funéraires. En Étrurie, le Charun n’est jamais sur une barque, il tient un maillet pour ouvrir la porte des Enfers, ce qui lui acquiert un rôle psychopompe de passeur. Son nom d’origine grecque n’en fait pas pour autant une créature grecque, car c’est une créature typiquement étrusque par ses attributs. Dans Les Grenouilles, Aristophane décrit les trois étapes topographiques pour se rendre vers l’au-delà : la première étape est celle du rocher, la seconde est celle de la traversée de l’Achéron et l’étape ultime est celle de l’au-delà, représenté par le banquet. Ici, dans la Tombe des Anina, seul le personnage de Charun est représenté. 

A l’intérieur de la tombe se trouvent vingt-trois sarcophages en pierres, sauf un qui est en terre cuite. Ils sont peints et ont la particularité d’avoir un couvercle sculpté représentant le gisant. Ils appartiennent à la famille aristocratique des Anina, famille illustre à Tarquinia au milieu du IVe siècle av. J.-C. lors des guerres contre Rome. Ils sont disposés sur trois niveaux superposés de banquettes taillées dans la pierre, se déployant en continu sur trois côtés de la tombe, ou pour certains, directement posés sur le sol.

Le mobilier funéraire est composé de vases en céramique à vernis noir, d’autres en céramique à parois fines, des objets en verre, en albâtre, en os, en bronze mais aussi des fragments de fer, de la monnaie, des pions, des coquillages, ainsi que trois tessons à figures rouges et décoration végétale dont la provenance n’est pas assurée. Il est possible qu’il s’agisse de fragments provenant d’une sépulture antérieure. Parmi le mobilier se trouve une patère dont il ne reste qu’un fragment du fond, cassé en deux, dont le corps en céramique farineuse jaune rougeâtre est recouvert de vernis noir. Dans la partie centrale est représenté un satyre bleu. Un plat à tige recomposé et incomplet (5,5 cm x 13,5 cm x 70 cm) est constitué de céramique farineuse de couleur jaune rougeâtre sur laquelle on peut observer du vernis devenu brun-rouge après cuisson. Le profil extérieur est anguleux, la lèvre plate, et la bande de pied est légèrement saillante. La nervure de pied est accentuée par une bande de vernis tandis que la lèvre était ornée de six postes dont deux sont manquantes. On peut y observer le profil d’une femme exécuté à la figure rouge, les cheveux rassemblés dans un sakkos. Un autre fragment appartenant à un plat à tige similaire fut également retrouvé. Ces plats sont typiques de la production étrusque et falisque du groupe de Genucilia datant du dernier quart du IVe siècle av. J.-C. Ils sont le plus souvent retrouvés dans un contexte funéraire ou sacré et on leur attribue une fonction votive. Leur forme ainsi que leur petit diamètre laissent également penser qu’ils servaient à faire des offrandes solides de petites quantités.

Quelques exemples de plats à tige de la production dite “de Genucilia” (Musée National Romain, collection Evan Gorga). Auteur : Dan Diffendale.

Le thème des fresques de la tombe et la typologie des vases du trousseau funéraire montre un abandon du thème du symposion qui était très présent dans l’art et les rituels funéraires étrusques depuis l’époque orientalisante jusqu’à l’époque classique. La représentation de l’au-delà est évoquée par les figures de démons psychopompes qui renvoie aux nouvelles conceptions eschatologiques d’époque hellénistique, plus individuelles, sur le parcours de l’âme après le trépas. Les offrandes en nature disposées dans des plats dédiés à cet usage sont également à usage individuel et montre l’attention grandissante accordée désormais au geste rituel plutôt qu’à l’objet.

Bibliographie

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