Collection Campana

Biographie de Giampietro Campana

Portrait de Giampietro Campana

Descendant d’une lignée de grands commis d’État romains, Giampietro Campana est destiné à poursuivre la tradition de collectionneurs que sa famille entretenait depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle. En effet, c’est d’abord son grand-père Giampietro senior qui inaugure cette quête muséale romantique, poursuivie par son père Prospero. Giampietro Campana s’oriente très tôt vers l’étude des cultures antiques, suivant un brillant cursus littéraire de grec et latin au collège Nazaréen. En 1815, il hérite des biens laissés par son père, dont la collection d’art familiale. Ayant repris à sa majorité la charge paternelle de directeur du Mont-de-Piété de Rome en 1833, il mène de nombreux chantiers de fouilles archéologiques d’abord à Rome (sur la via Latina et la via Appia), puis à travers le Latium, pour son propre compte mais également pour celui de représentants de l’autorité pontificale (Bartolomeo Pacca, Giacomo Giustiniani, la famille Aldobrandini). Au tournant des années 1840, alors devenu éminent membre de l’Académie pontificale, Campana oriente son champ d’études vers l’art étrusque et procède à des fouilles en Étrurie, notamment à Cerveteri. Il exhume ainsi nombre de tombes dont les artefacts rejoignent sa collection, si bien que chacune de ses propriétés (la villa Campana au Latran, le palais Campana sur la via del Babuino) se transforme en véritable musée. En 1851, Giampietro Campana se marie à une jeune aristocrate britannique, Emily Rowels, dont les parents, puissants industriels maritimes, sont familiers du président de la IIe République française, Louis-Napoléon, futur Napoléon III. Pour assurer le financement de sa collection, Campana, en plus d’être actionnaire d’entreprises prospères, s’appuie sur de nombreuses activités comme l’imprimerie Tipografica-Tiberino et une marbrerie industrielle participant à la restauration de nombreux édifices romains et napolitains. L’année 1852 signe la déchéance du marquis Campana. Afin d’apurer les dettes engrangées en son nom pour l’acquisition d’œuvres, il est dans l’obligation de mettre en vente l’ensemble de sa collection. Il cherche alors acquéreur en Angleterre, en France, sans succès. En 1857, Campana est arrêté et condamné à purger une peine de vingt ans de prison pour détournement de fonds. A l’issue de son procès la justice se prononce finalement pour un exil forcé ainsi que la saisie des fonds du Mont-de-Piété. Une première partie de la collection Campana est alors acquise par l’Empire russe avant que le reste ne soit acheté par Napoléon III en 1861. Le couple Campana traverse l’Europe et s’établit en Suisse, d’où le marquis parvient à remettre la main sur quelques objets de sa vaste collection, jusqu’à sa mort en 1880.

La collection Campana

Si l’héritage de Giampietro Campana et ses de frères comprenait déjà des pièces archéologiques, l’essentiel de la collection a été formé par l’achat et par les fouilles. La collection est dans un premier temps composée surtout d’orfèvrerie et de vases en céramique. Campana mène ses propres fouilles à partir de 1831, d’abord dans les terrains possédés par sa famille à Rome et à Frascati, puis dans le Latium avec l’autorisation des État pontificaux. En parallèle à cette activité, dont le but essentiel est d’alimenter ses collections, Campana acquiert ses pièces grâce à son réseau d’antiquaires à Rome, mais également en Campanie, en Toscane, en France ainsi qu’en Grande-Bretagne.

Lorenzo Scarabellotto, Évocation de la galerie de sculptures de la Villa Campana du Latran, Rome, ca. 1847-1851, huile sur toile, hauteur 78 cm, largeur 110 cm, collection particulière © Corentin Luneau

Sa collection est présentée dans plusieurs lieux à Rome. La villa Campana du Latran est transformée en musée à partir de 1846, où sont exposées les sculptures et l’orfèvrerie tandis que les terres cuites sont visibles au Mont-de-Piété que Giampietro Campana dirige. L’appétit du marquis est tel que les collections investissent également le palais Campana et des lieux de stockage dans toute la ville.

Les collections sont publiées en 1857 à des fins de documentation, mais surtout de vente. Elles sont divisées en douze classes, dont les objets antiques forment les classes I à VII (vases, bronzes, orfèvrerie et monnaies, sculptures en terre cuite, verres, peintures et sculptures en marbre) et la classe XII, rassemblant les objets qualifiés de ” curiosités “. Les autres catégories regroupent la peinture, la sculpture et la faïence des époques médiévale et moderne. Le collectionneur rassemble en grandes séries thématiques, de l’Antiquité à l’époque moderne, les témoignages de la technique et du progrès dans la péninsule italique. Il présente une vision encyclopédique du patrimoine artistique et artisanal : un mode de collection à mettre en regard avec le Risorgimento et la prise de conscience nationale italienne.

Coupable de malversations, ayant gagé ses propres œuvres d’art à des sommes importantes, les collections Campana sont saisies en 1857 par l’État pontifical. En 1838, un des premiers inventaires de la collection mentionnait 64 objets d’or et 25 grandes terres cuites. Si les entrées d’objets dans les collections, continues et parfois massives ne sont pas systématiquement enregistrées, on sait néanmoins que la collection, au moment de sa dispersion, comptait plus de 13 000 objets. L’ensemble est acheté sur ordre de Napoléon III en mai 1861 pour 4,8 millions de francs – à l’exception près de 800 bronzes, marbres et céramiques achetés par le Tsar Alexandre II, de 84 sculptures et majoliques de la Renaissance achetés par l’Angleterre et 77 vases grecs par la Belgique. Les objets sont exposés en 1861-1862 au musée Napoléon III, dans le Palais de l’Industrie.

Les objets étrusques

La collection étrusque du marquis Giampietro Campana figure parmi les collections privées d’antiques les plus diversifiées. En 1835, elle est déjà si importante que le pape Grégoire XVI vient la visiter. L’ensemble des objets provient principalement des fouilles et des acquisitions faites pour le marquis. Il dirige et participe à des excavations sur des sites étrusques de 1839 à 1856. Viterbe, Cerveteri, Véies : la liste n’est pas exhaustive et ses fouilles, autorisées ou parfois illégales, lui permettent de réunir une collection importante. De même, les acquisitions qu’il fait sont nombreuses et parfois frauduleuses. L’une des spécificités du travail de Giampietro Campana est d’avoir créé un atelier de restauration, dont le travail a été critiqué par la suite. En 1858, avant la dispersion de la collection, le marquis rédige des catalogues de sa collection (Giampietro Campana, Cataloghi del Museo Campana, [s.n.], Roma, 1858.). Les analyses et attributions ont été aujourd’hui largement remises en cause, cependant, ces catalogues nous permettent d’appréhender la multiplicité de formes des objets et de leurs supports. Vases peints, bronzes, œuvres d’orfèvrerie et de métallurgie, verres, sculptures, peintures : la collection étrusque présente d’une manière exhaustive les différents arts étrusques et ce, de la période orientalisante (fin VIIIe – début VIIe siècle avant J.-C.) jusqu’à la romanisation de l’Italie (IIe siècle avant J.-C.). La plus grande partie de ces objets sont rachetés en 1863 par Napoléon III. Aujourd’hui, les œuvres les plus connues des collections étrusques du Louvre proviennent de la collection Campana comme le sarcophage des Époux, les plaques peintes Campana et le pendentif en or à protomé d’Achéloos.

La collection dans les musées français

En 1861, Léon Renier, sous ordre de Napoléon III, négocie l’achat d’une grande partie des œuvres du musée Campana à Rome. L’envoi est évalué à 11 835 œuvres en partance vers la France, pour un total de 4 364 000 francs-or. Le contrat de vente est signé le 20 mai de la même année. Les objets sont acheminés en train vers Paris, au Palais de l’Industrie construit en 1855, à l’occasion de l’Exposition Universelle. Les objets d’art sont présentés au public lors de l’inauguration du Musée Napoléon III, conçu autour de l’immense collection du marquis, le 1er mai 1862. Le 11 juillet 1862, le décret de Vichy est signé, déclarant la fermeture du musée Napoléon III et la dispersion des collections.

Charles Giraud, Musée Napoléon III, salle des terres cuites au Louvre, Paris, 1866, huile sur toile, haut. 9,75 cm, larg. 130 cm, inv. RF 2842, musée du Louvre © Corentin Luneau

La répartition des œuvres se fait entre le Louvre – pour enrichir ses collections avec des objets précieux (bijoux, bronzes, verres) et œuvres remarquables – et les musées départementaux. Ces derniers récupèrent une partie des objets que le Louvre possédait en plusieurs exemplaires (séries de vases et terres cuites, notamment) et ne pouvait conserver dans ses locaux par manque de place. Ils sont également destinataires de sculptures en terre cuite et en marbre. Les envois en province sont effectués entre février et juin 1863. 4 695 objets (marbres, vases, lampes et figurines de terre cuite antiques) sont répartis en lots envoyés dans 60 ou 61 villes françaises en 1863. Les musées sélectionnés sont classés par importance selon trois catégories, définissant par la suite le nombre d’objets envoyés ; entre 18 et 115. Plus tard, un quatrième envoi est décidé le 4 avril 1863 pour dix musées non retenus au départ. En 1875, 1 500 objets sont déposés à nouveau dans d’autres musées de province.

Les collections du musée Napoléon III s’adressaient à un public différent de celui du Louvre, de par leur présentation dans le Palais de l’Industrie et la présentation de nombreux moulages de sculptures antiques. Elles permettaient de stimuler la création industrielle des chefs d’industrie et des ouvriers en leur fournissant des modèles. L’envoi d’une partie de la collection Campana dans les musées de province visait à enrichir les collections des musées territoriaux, à distribuer des modèles aux artistes et aux enseignants des beaux-arts. Enfin, le conservateur Edmond Pottier distribue des lots de vases avec une notice explicative dans certains musées et universités pour la formation des étudiants.

Bibliographie

Campana G., Cataloghi del Museo Campana, [s.n.], Roma, 1858.

Gaultier F., Haumesser L., Trofimova A.  (dir.) 2018, Un rêve d’Italie : la collection du marquis Campana : album de l’exposition, Paris.

Gaultier F., Metzger C. (éd.), Trésors antiques : bijoux de la collection Campana, Musée du Louvre Éditions, Paris, 2005.

Gran-Aymerich É. 1992, « La collection Campana dans les musées de province et la politique archéologique française », in Laurens A. et Pomian K. (dir) 1992, p. 122-132. 
Laurens A. et Pomian K. (dir.) 1992, L’anticomanie : la collection d’antiquités aux 18e et 19e siècles, Paris.

Nadalini G. 1992, “Le Musée Campana : origine et formation des collections”, in Laurens A. et Pomian K. (dir) 1992, p. 111-121.

Nadalini G. 1998, « La collection Campana au musée Napoléon III et sa première dispersion dans les musées français (1862-1863) », Journal des Savants, no 1998/2, p. 183-225.

Nadalini Gianpaolo, « Giampietro Campana, le parcours aventureux d’un des plus grands collectionneurs du XIXe siècle » dans Dossiers d’Archéologie, Hors-série, n°35, Dijon, 2018, p. 12-17.

Pianazza M., “Giovan Pietro Campana collezionista, archeologo, banchiere e il suo legame con Firenze Authoris”, in: Mitteilungen des Kunsthistorischen Institutes in Florenz. Kunsthistorischen Institutes in Florenz, Max Planck Institut, 1993, p. 433-474.

Walter C. 2018, “L’achat de la collection Campana par Napoléon III”, Dossiers d’Archéologie, Hors-série no 35, nov. 2018, p. 64-69.

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