Fouilles et découvertes au XIXe siècle en Étrurie

Le XIXe siècle est une période de grandes découvertes archéologiques se caractérisant par une frénésie dans la recherche de tombes et de beaux objets. De nombreux voyageurs de toute l’Europe viennent visiter les nécropoles étrusques, attirés par les gravures et aquarelles produites par les artistes itinérants. C’est l’apogée de l’Etruscan taste, une tendance qui se caractérise par un goût particulier pour la mode étrusque, autant dans les vêtements, les bijoux et que la vaisselle. Le public raffole de ces découvertes qui excitent son imagination et l’aristocratie cherche à acquérir de nouveaux objets antiques. Les fouilles se font alors plus nombreuses et donnent lieu à des découvertes de sépultures importantes. Il convient alors de présenter ces grandes découvertes, de s’interroger sur les modes d’exposition au public et enfin d’observer leur impact sur la législation.

L. Canina, Plan de la tombe Regolini-Galassi, Descrizione di Cere antica ed in particolare del monumento sepolcrale scoperto nell’anno 1836, 1838, pl. III (Image issue de Arachne.uni-koeln.de, CC BY-NC-ND 3.0)

Les premières recherches de grande ampleur du début du XIXe concernent des nécropoles  de Vulci, Tarquinia et Cerveteri. Les habitation étrusques, dont il ne reste presque rien en raison de leurs matériaux de construction périssables ou des couches d’occupation postérieure, ne sont devenues un sujet d’intérêt pour les chercheurs qu’à partir de la fin du XXe siècle. 
Les premières fouilles à Tarquinia se déroulent dans la nécropole de Monterozzi entre 1830 et 1833. On y a découvert des tombes peintes, notamment la tombe du Triclinium en 1830 et la tombe Querciola en 1831. Enfin, vers 1868 eut lieu la découverte de la tombe de l’Ogre dont fut probablement témoin le général Léonce de Beaufort. 
Il est aussi important de mentionner les figures de  Lucien Bonaparte, prince de Canino, et sa femme Alexandrine, qui fouillèrent notamment leur fief de Canino, près de Vulci. Enfin, le marquis de Campana, banquier et marchand d’art, a fouillé notamment Cerveteri, Frascati et Véies. Il rassembla une grande collection qui fut saisie plus tard après des déboires judiciaires et fut dispersée dans les collections des différents musées, dont une grande partie au Louvre et à l’Ermitage.
Par conséquent, un grand nombre de tombes est découvert, parmi lesquelles la plus célèbre est sans nul doute la tombe Regolini Galassi mise au jour en 1836, dans la nécropole de Sorbo à Cerveteri, découverte par l’archevêque Regolini et le général Galassi.  La tombe, restée inviolée, avait la particularité de receler un mobilier particulièrement riche.

Urne cinéraire biconique, impasto, IXe siècle av. J.-C., produite en Étrurie méridionale, Paris, musée du Louvre, CA 6822.1 (© 2009 Musée du Louvre / Daniel Lebée/Carine Deambrosis)


Enfin, en 1853 la découverte de la nécropole de Villanova mena à des interrogations sur l’origine des Étrusques et, pour la première fois, on ne s’appuya non plus seulement sur des textes mais sur des bases archéologiques. La communauté scientifique se divisa, certains soutenant l’origine orientale des Étrusques, d’autres affirmant qu’ils résultent d’une migration transalpine du nord vers le sud. Ce n’est qu’au siècle suivant que Massimo Pallottino, le plus important savant de l’étruscologie moderne, mit fin au débat en présentant les Étrusques comme le peuple primitif de l’Italie.

Toutes ces découvertes importantes ont donné lieu à des changements dans l’exposition des objets au public et la législation. L’année de la découverte de la tombe Regolini Galassi, le musée grégorien étrusque fut créé pour conserver son mobilier à la manière d’un cabinet de curiosité : des vases de même forme y étaient exposés les uns à côté des autres sans préoccupation particulière pour la chronologie ou la tombe d’origine. Quant à l’exposition au Pall Mall des Campanari en 1837, l’objectif était plutôt de vendre le mobilier. Ce dernier était notamment mis en valeur grâce à une mise en scène complexe cherchant à reproduire l’atmosphère des tombes. On s’éclairait avec de vraies torches et on entrait dans de petites pièces aux murs couverts des fac-similés de Carlo Ruspi. L’exposition fut un succès et il s’agit de l’une des premières grandes expositions sur les Étrusques. Cependant la dimension scientifique était encore occultée par la vente qui qui dissémine le mobilier et fait perdre le souvenir du contexte archéologique de provenance. 
En 1820, l’édit de Pacca promulgué par le Vatican avait pourtant permis d’éviter la dispersion du mobilier à l’étranger. Cependant il oblige aussi les fouilleurs à vendre les objets au Vatican s’il l’exige. Mais les prix, fixés par ce dernier, étaient souvent dérisoires par rapport à la valeur réelle des objets. Par exemple, en 1833, lorsque Pietro Manzi découvre le sarcophage du Poète dans la nécropole de Monterozzi, son prix est estimé dans une lettre de Stendhal à 2000 écus. Cependant le Vatican ne lui en donna que 300. Ce fait a incité les fouilleurs à entamer un commerce clandestin afin de subvenir aux besoins de leurs familles. La dispersion du mobilier se poursuivait donc.
Enfin, en 1870, la naissance de l’État italien permet d’unifier la législation sur la conservation des vestiges, auparavant différente selon les régions. C’est en effet à la fin du XIXe siècle qu’émerge l’archéologie moderne, les méthodes scientifiques de datation et la stratigraphie. Il n’existe alors quasiment plus de fouilles fortuites, on cherche à découvrir le site en entier et plus seulement des parcelles et le contexte commence à primer sur l’objet. 
Le regard contemporain sur l’objet archéologique naît donc à la toute fin du XIXe siècle et l’intérêt purement esthétique de l’Etruscan taste est remplacé par un regard scientifique. 

Vue d’une tombe de Tuscania reconstituée lors de l’exposition des Campanari au Pall Mall à Londres en 1837, frontispice de D. Raoul-Rochette, « Troisième mémoire sur les antiquités chrétiennes des catacombes : objets déposés dans les tombeaux antiques, qui se retrouvent, en tout ou en partie, dans les cimetières chrétiens », Mémoires de l’Institut de France, 1838.

Bibliographie

  • F. Boitani, A. M. Moretti Sgubini (dir.), Étrusques. Un hymne à la vie, catalogue de l’exposition (Paris, Musée Maillol, 18 septembre 2013 – 9 février 2014), Paris, 2013.
  • A. Fenet, N. Lubtchansky (dir.), Pour une histoire de l’archéologie XVIIIe siècle – 1945, Bordeaux, 2015.
  • J. Heurgeon, « La découverte des Étrusques au début du XIXe siècle », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1973, 117, 4, p. 591-600.
  • Les Étrusques et l’Europe, catalogue de l’exposition (Paris, Grand Palais, 15 septembre – 14 décembre 1992), Paris, 1992.
  • C. Mazet, « Des fouilles italiennes à la constitution des collections d’antiquités au XIXe siècle », dans Le Museum étrusque d’Antoine Vivenel : catalogue raisonné de la collection étrusque et italique du Musée Antoine Vivenel de Compiègne, Milan-Compiègne, 2015, p. 24-25.