Les vases grecs

Des vases grecs chez les Étrusques, pourquoi ?

Beaucoup d’objets grecs, en particulier des vases attiques, ont été retrouvés dans des tombes étrusques. Cela peut s’expliquer peut s’expliquer par le commerce qui existait entre Athènes et l’Occident, Athènes exerçant, entre les VIe et IVe siècles av. J.-C., un rayonnement important. En effet, à partir 570 av. J.-C, des vases attiques sont importés en grand nombre en Étrurie. Si l’exportation de vases grecs en Occident n’est pas un phénomène nouveau, Corinthe ayant inondé les cités d’Italie à l’époque orientalisante, le phénomène athénien est, lui, remarquable dans la mesure où les intérêts d’Athènes pour l’Occident ne se développent qu’au milieu du VIe siècle av. J.-C., moment où l’importation de vases corinthiens diminue. Toutefois, les recherches ont permis de mettre en avant le fait que les intermédiaires, ceux qui acheminaient les vases de Grèce en Étrurie, n’étaient pas des Athéniens, mais des marchands originaires d’Égine, de Ionie, et même d’Étrurie.

Dans un premier temps, certains chercheurs ont estimé que l’achat de vases grecs était réalisé dans le but d’être utilisé dans les banquets ou dans la vie quotidienne. Cette théorie était démontrée, selon L. Hannestad, par la présence de traces de réparation ainsi que par la disparition de couvercles originaux sur certains vases. Mais, les hypothèses plus récentes, notamment celles de J.-P. Small, considèrent que l’achat de vases grecs ne se ferait que dans un but esthétique et symbolique dans la société étrusque car c’est un prestige d’avoir un objet issu de l’importation. De plus, ils sont aussi prisés pour leurs iconographies. En effet, certains motifs grecs peuvent se transposer à la culture étrusque et donc exprimer leurs propres conceptions de la vie, surtout du point de vue funéraire.

Des vases attiques dans une collection d’art étrusque

La collection d’objets qui fut rassemblée par le général Léonce de Beaufort démontre l’histoire de la céramique étrusque de sa naissance à la période hellénistique. Au sein de cette collection, différents centres de production ont pu être mis en évidence, correspondant aux migrations de peintres, d’ateliers et aux échanges commerciaux. Bien que la céramique étrusque est représentée en grande partie la collection du général de Beaufort, cette dernière contient également certains objets de production grecque. En effet, elle présente quatre vases de production attique, deux kylikes, une amphore et une olpé, ainsi qu’une kylix de production ionienne.

L’identification des vases attiques a reposé sur des critères techniques, stylistiques et formels. La présence de la technique à figure noire par exemple née à Corinthe puis reprise par les peintres attiques a pu être identifiée sur la kylix (n° inv. 1967.2.1142.25) datant du dernier quart du VIe siècle av. J.-C. mais aussi sur l’amphore (n° inv. 1967.2.1142.26) et l’olpé (n° inv. 1967.2.1142.30). Ainsi, des objets autrefois identifiés comme étrusques en raison de leurs lieux de découverte, majoritairement des tombes étrusques, sont en réalité de production grecque. Il est même possible que le général de Beaufort estimait lui-même que les objets grecs de sa collection étaient de production étrusque.

Les vases grecs de la collection Beaufort

La collection Beaufort présente trois kylikes, vases du service du vin utilisés pour boire. La première, attique à figures noires, présente un motif à yeux et est datée du dernier quart du VIe siècle av J.C. (1967.2.1142.25). Sa lèvre est peinte en vernis noir, la panse est décorée de deux paires d’yeux entourant une sphinge de profil. Les yeux ont la pupille formée de cercles concentriques imbriqués et sont surmontés d’un trait noir représentant les sourcils. Des grappes de raisin se trouvent autour des anses horizontales recouvertes de vernis noir et, entre elles, se trouvent des ceps de vigne. Le bas de la panse est décoré d’une alternance de trois lignes noires et d’une frise de rayons. La partie haute du pied est entièrement recouverte de vernis noir et le disque est en réserve. Le médaillon central représente un gorgoneion réalisé, lui, selon la technique des figures rouges.

La deuxième kylix (1967.2.1142.57) est présentée ici.

La troisième kylix est de production ionienne et datée de 530-520 av. J.-C. (1967.2.1142.40). Elle présente un décor linéaire constitué de bandes et d’aplats de vernis noir répartis sur l’ensemble du vase, en alternance avec des zones en réserve.

L’olpé à tableau, datant de la fin du VIe siècle av J.-C., est à figures noires et présente des rehauts de peinture rouge et des incisions. Cette forme servait à puiser et servir le vin mélangé. Elle est composée d’une lèvre étroite, décorée d’un damier, et d’un col orné d’un décor ornemental composé de deux traits au vernis noir, d’une frise de méandres, de deux files de points alternant avec des traits et d’une frise de points reliés. La scène figurée se situe sur la panse et est délimitée par de deux traits horizontaux en partie supérieure et d’un trait vertical sur les côtés. Cette scène représente Dionysos portant une corne à boire dont sortent des rameaux de vignes et couronné de vigne, accompagné d’une ménade dansant. Le reste du vase est recouvert de vernis noir.

L’amphore date de la fin du VIe siècle av J.-C. et est à figures noires et présente des rehauts de peinture rouge. Cette forme servait à stocker et transporter le vin pur. Elle est composée d’une lèvre épaisse recouverte de vernis noir, d’un col avec une scène figurée représentant deux danseurs autour d’un motif composé de palmettes et de boutons de lotus. Le bas de la panse est décoré de traits noirs et de rayons. La majeure partie de la panse, les deux anses et le pied sont recouverts de vernis noir.


Bibliographie

  • F. Boitani, « Sur les traces d’une civilisation : de l’étruscomanie à l’étruscologie », dans F. Boitani, A. M. Moretti Sgubini (dir.), Étrusque. Un hymne à la vie, Paris, 2013, p. 275-280.
  • L. Hannestad, « The Athenian potter and the home-market », dans J. Christiansen, T. Melander (dir.), Proceedings of the Third International Symposium on Greek and related Pottery, Copenhagen August-September 1987, Copenhague, 1988, p. 222-230.
  • D. Paleothodoros, « Pourquoi les Étrusques achetaient-ils des vases attiques ? », Les Études classiques, 70, 2002, p. 139-160.
  • M.-H. Santrot, D. Frère, L. Hugot (dir.), Vases en voyage de la Grèce à l’Étrurie, catalogue de l’exposition (Nantes, Musée Dobrée), Paris, 2004.
  • J.-P. Small, « Scholars, Etruscans, and Attic painted vases », JRA, 7, 1994, p. 34-58.