Le voyage en Italie et le marché de l’art

Le voyage en Italie et le marché de l’art se développent dans le contexte romantique si particulier du XIXe siècle. On constate à cette époque une grande volonté de connaissances qui pousse de très nombreuses personnes à voyager et en particulier en Italie, pays de prédilection pour étudier l’Antiquité. Elle est aussi le berceau de la culture étrusque, qui commence à se faire connaître par le biais des premières découvertes. À ce moment, la culture étrusque est reçue comme une alternative à la culture romaine classique et est une sorte de révélation. 

Le Grand Tour était un long voyage en Europe dans lequel les artistes, tels que Fragonard, David ou Stendhal, et les aristocrates dont le duc d’Orléans, futur roi Louis-Philippe Ier, s’engageaient en suivant un itinéraire. C’est à partir du XVIIIe siècle que des progrès en géographie astronomique se remarquent et entraînent un développement de la cartographie, notamment par Guy Richard et Jérôme Lalande. En supplément des cartes, des guides de voyage étaient réalisés. Ils recommandaient de suivre un itinéraire qui serait plus sécurisé. Ce dernier a fortement évolué au cours du siècle. Les voyageurs partaient cependant toujours du nord pour descendre à Naples, et remonter ensuite. Une grande partie du sud du territoire n’était donc pas explorée tandis que le nord était largement visité. Les voyageurs traversaient le nord-ouest en passant par Gênes, ils longeaient la mer Tyrrhénienne et parcouraient des villes comme Portofino, Carrara, Massa ou encore Pise. Ils s’arrêtaient également à Florence. En descendant en direction de Naples, ils pouvaient découvrir Sienne, Rome ou Capoue par exemple. Ou bien, lorsqu’ils empruntaient la route de l’est, ce sont Venise, Ravenne, Rimini, Pesaro, Fano, Ancône et Lorette qu’ils découvraient en longeant cette fois la mer Adriatique, pour ensuite atteindre Rome et enfin Naples. Les villes qui constituaient cet itinéraire avaient chacune un objectif particulier. Venise était le lieu où l’on se rendait lors de chagrins amoureux, Pompéi et Herculanum étaient les lieux des ruines antiques romaines, et Naples permettait de découvrir la Grande Grèce. Quant au trajet retour, il avait pour but de consolider une culture intellectuelle afin de pouvoir raconter des anecdotes en société ou éventuellement adhérer à la société savante des dilettante.

Carte de l’Italie actuelle retraçant l’itinéraire principal du Grand Tour (© Chloé Grondin)

Les artistes qui effectuaient ce voyage accompagnaient des aristocrates qui les engageaient pour illustrer leur Grand Tour. Cependant, le voyage en Italie n’était pas simple car il était long et périlleux (conditions climatiques, reliefs des différents pays à traverser – montagne ou mer -, etc.). Ces voyageurs, et en particulier les artistes, réalisaient sur place des esquisses et des aquarelles de ce qu’ils voyaient. De plus, les lettres de voyageurs tout comme les carnets de voyage nous permettent de nous rendre compte, de nos jours, des conditions de voyage et des découvertes archéologiques. L’ensemble de ces témoignages est important. Ils nous permettent aussi parfois de suivre le parcours des différents objets trouvés dans les tombes et qui ont été emportés pour enrichir les collections d’œuvres des collectionneurs qui eux aussi se rendent en Italie dans ce but. 

Le marché de l’art s’affirme fortement dans le domaine des antiquités grâce aux nombreuses fouilles et aux découvertes sur le territoire étrusque au XIXe siècle. Les ventes aux enchères de ces nouveaux objets se succèdent et des catalogues de ventes sont produits pour les présenter au public, entraînant un goût du collectionnisme auprès de la classe bourgeoise et aristocratique. Un véritable réseau entre les marchands d’art et les collectionneurs se développe. Cependant, ces achats ont entraîné la dispersion des oeuvres mises au jour dans les différentes collections privées ainsi que dans les musées. L’obtention d’œuvres étrusques a largement participé à l’enrichissement des musées, qui les mettaient en avant dans les salles d’exposition. Afin de facilité la vente à ces différents acheteurs, des restaurations étaient réalisées lorsque l’état de conservation des objets n’était pas intact, afin d’augmenter leur valeur marchande. 

Les figures majeures qui contribuaient à ce marché de l’art pouvaient être des antiquaires, comme les frères Augosto et Alessandro Castellani, deux grands acteurs de ce commerce des antiquités étrusques au XIXe siècle, mais aussi des restaurateurs et des faussaires dont font partie les frères Pietro et Enrico Pennelli, et Francesco Martinetti. 

Les premiers faux étrusques se remarquent dès le XVIIIe siècle. Un système de copies des plus beaux vases étrusques découverts était mis en place car ils avaient une très grande valeur. Des restaurations dites « fantaisistes » ont également été identifiées. C’est le cas du miroir étrusque en bronze de la collection de Beaufort (IVe siècle avant J.C) auquel un faussaire aurait ajouté les inscriptions « Atunis » et « Turan » du décor, avec un burin plus épais, après avoir effacé les incisions originales au-dessus de la tête du personnage masculin, qui est en réalité Dionysos. Pour réaliser ces inscriptions, les faussaires s’appuient sur des modèles archéologiques déjà existants, afin de répondre aux recherches des acheteurs. Le sarcophage des Époux du British Museum date entièrement du XIXe siècle, il a été réalisé par les Pinneli pour le marquis Campana. L’homme nu, les éléments vestimentaires de la femme caractéristiques du XIXe siècle ou encore la posture ont permis de reconnaitre la contrefaçon. La réalisation de ces faux était donc une manière courante de s’enrichir à cette époque.

Ces voyages en Italie, accompagnés de la documentation produite, et la richesse du marché de l’art à travers le monde ont donc permis de développer nos connaissances au sujet de la culture étrusque, de sa civilisation et de ses différentes productions artistiques depuis le XVIIIe siècle.


Bibliographie

  • M. Cristofani,« Le mythe étrusque en Europe entre le XVI° et le XVIII° siècle », dans Les Étrusques et l’Europe, catalogue d’exposition (Paris, Grand Palais, 15 septembre – 14 décembre 1992), Paris, 1992, p. 276-291.
  • J. Heurgon, « La découverte des Étrusques au début du XIXe siècle », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 117, 4, 1973, p. 591-600. 
  • M. Hoog, E. Hoog, « L’Histoire du marché de l’art »dans Le marché de l’art, Paris, 1995, p. 5-33. 
  • Les Étrusques et l’Europe, catalogue de l’exposition (Paris, Grand Palais, 15 septembre – 14 décembre 1992), Paris, 1992.
  • M. Royo, M. Denoyelle, E. Champion-Hindy et D. Louyot (dir.), Du Voyage savant aux territoires de l’archéologie. Voyageurs, amateurs et savants à l’origine de l’archéologie moderne, Bordeaux, 2012.