La Tombe du Quadrige Infernal

Tombe du Quadrige infernal, vue de la paroi gauche, au fond de la chambre funéraire. Auteur : Cloé Sennepin

La nécropole de Pianacce à Sarteano, un petit centre étrusque dans le territoire de la cité de Chiusi, est découverte en 1954 par Guglielmo Maetzke. En octobre 2003 lors des fouilles annuelles de la nécropole est mise au jour la Tombe du Quadrige infernal. Elle est datée du IVe siècle avant J. -C. La tombe a été taillée dans le travertin local à cinq mètres de profondeur et comporte un dromos long de 19 mètres. Il y a quatre niches symétriques dans sa partie centrale. Une porte ouvre sur un couloir de sept mètres de long. La chambre funéraire mesure 3.50m x 3.80m. Les fresques de la paroi de droite ont été détruites mais la paroi de gauche témoigne d’une excellente conservation des peintures, notamment des couleurs. Le mobilier de la tombe, bien que pillé antérieurement, comporte six objets en céramique, des objets métalliques et un sarcophage.

Les objets funéraires sont exposés au Musée Civique Archéologique de Sarteano. Dans la tombe étaient déposées trois kylikes à figures rouges ; des vases en céramique à vernis noir ou en céramique grise achromatique ; trois grandes amphores et de nombreux petits objets comme des pions de jeu en pâte de verre ou des fragments de thymiateria en terre cuite, des fragments de décors en bronze et un clou qui décorait une caisse en bois.

Une des kylikes de la Tombe du Quadrige infernal est particulièrement intéressante car elle comporte une représentation originale au centre du fond de la coupe. Elle s’apparente aux productions du Groupe Clusium et montre un satyre à droite et deux ménades à sa gauche. Le satyre pose son bras gauche sur les épaules de la ménade de gauche ainsi que sa main droite sur le haut du corps de celle-ci. Elle porte un thyrse, l’attribut de Dionysos. La ménade de droite repose sa main sur un autel dont l’extrémité est visible. Ces personnages forment le cortège de Fufluns, dieu étrusque du vin et de l’ivresse, équivalent de Dionysos. Ils sont entourés d’une frise circulaire à motifs géométriques de méandres et de damiers pointés. Cette coupe est un vase à boire appartenant à la cérémonie de la consommation du vin utilisé lors du banquet. Ce décor dionysiaque a sans doute été réalisé par un céramographe de Sarteano entre 340 et 330 av J.-C., à la fin de la période classique.

La kylix est en lien avec le banquet funéraire et l’au-delà. Elle fait écho au sarcophage en albâtre gris devant la paroi du fond dont le couvercle figure un gisant semi-allongé, appuyé sur un coude en position de banqueteur. Il repose sur une double kliné en bas-relief encore visible sur l’un des côtés du sarcophage, qui  était réduit en multiples fragments avant d’être récemment restauré.

Sur le fronton de cette paroi est représenté un grand hippocampe, symbole du voyage vers les Enfers. Le monde marin est une métaphore du passage du monde terrestre vers le monde de l’au-delà. D’autres fresques ornent les parois à gauche du corridor autour du sarcophage. C’est une représentation de Charun : un démon psychopompe infernal qui accompagne les morts dans l’au-delà. Il conduit un quadrige tiré par deux lions et deux griffons. Cette fresque se poursuit avec une scène de banquet funéraire. Un jeune homme imberbe à la carnation rouge est face à un homme plus âgé car sa peau est pâle et il porte une barbe. Ils sont tous les deux allongés sur la même kliné, torse nu, avec le bas du corps couvert d’un himation. Ils sont de profil et la main droite de l’homme de gauche a un geste de salut affectueux envers le second personnage, qui semble plus âgé, tandis qu’ils se tiennent par la main. Cette scène de banquet funéraire peut être interprétée comme la représentation d’un père et de son fils, appartenant à une famille aristocratique.

Enfin, sur la paroi à gauche du sarcophage se trouve un monstre géant avec trois têtes de serpents, une créature des Enfers dans l’imaginaire étrusque. L’ensemble du décor pictural est encadré en haut d’une frise de méandres noirs et rouges. La plinthe en-dessous comporte un décor aquatique avec plusieurs dauphins qui plongent dans les vagues. Ils symbolisent le monde supraterrestre. Ils ont un rôle apotropaïque et psychopompe.

Les objets et l’iconographie de la Tombe du Quadrige infernal permettent d’identifier des influences artistiques de plusieurs cités étrusques. Les comparaisons avec les productions des peintres et potiers dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. montrent qu’il y a eu de forts échanges artistiques et commerciaux avec Chiusi pour le style des kylikes à figures rouges, Orvieto, pour le style des fresques, mais également Volterra, où fut produit le sarcophage en albâtre. Ces cités ont révolutionné les thèmes iconographiques. Ces ateliers étrusques approfondissent le thème du voyage dans l’au-delà et de la mort. La coupe dionysiaque est un témoignage précieux car elle est montre l’existence d’un atelier de production de vases à figures rouges local à Sarteano, un petit centre urbain bien moins important que les cités voisines d’Orvieto ou Chiusi. Le riche mobilier funéraire et les fresques de la Tombe du Quadrige infernal montrent que le défunt était issu d’un rang aristocratique. Les autres tombes de la nécropole de Pianacce appartenaient aussi à des familles de même rang.

Pour Alessandra Minetti qui a découvert et étudié la tombe, celle-ci représente une « éclatante confirmation archéologique du recours à des maîtres d’Orvieto de la part d’une famille aristocrate qui habitait et avait construit son sépulcre dans le territoire de Chiusi ».

Bibliographie

Minetti Alessandra, “La tomba della quadriga infernale nella necropoli delle Pianacce di Sarteano”, Rome, 2006.

Minetti Alessandra, “La necropoli della pianacce nel museo civico archeologio di Sarteano”, Milan, 2012.

Minetti Alessandra et  Vanni Desideri Andrea, “La necropoli delle Pianacce a Sarteano” p. 96-103.

Minetti Alessandra, “Sarteano : la tombe della Quadriga Infernale nella Necropoli delle Pianacce”, In :Studi  Etruschi LXX-2004 , 2005, p. 135.

Bensard Eva, “La tombe du quadrige infernal livre ses secrets”, dans Archéologia, 425, 2005, p. 36-42.

Galerie photographique

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