Les vases étrusques à figures rouges surpeintes et figures rouges

La figure rouge surpeinte, aussi appelée pseudo-figure rouge, et la figure rouge sont des techniques de décor de vase qui furent très populaires en Étrurie en raison de leur inspiration attique. La technique de la figure rouge surpeinte apparut à Vulci au début du Ve siècle av. J.-C. afin de concurrencer la technique attique de la figure rouge, dont les vases étaient largement importés en Étrurie dès le dernier quart du VI siècle av. J.-C. Au IVe siècle av. J.-C., cette technique était en plein essor en Étrurie avec pour foyer de production et de développement Faléries, dans les terres falisques.

Carte schématique de la population falisque dans l’Italie pré-romaine (© Éloïse Desbordes)

Bien que leur esthétique soit proche, il est possible de différencier ces deux techniques en observant l’état de conservation du décor et du vase, et en déterminant la surface où le vernis noir fut appliqué. L’application est partielle et les figures sont en réserve pour la figure rouge, et entières et surpeintes pour celle surpeinte.

On compte sept vases dans ces deux techniques dans la collection Beaufort. Pour comprendre leur présence dans cette collection, il est important de connaître le degré de popularité qu’avait leur groupe de production au cours de l’Antiquité et au XIXe siècle quand se formèrent les collections.

Beaucoup de vases furent produits à partir de la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. en raison d’un phénomène de standardisation des vases qui devait répondre à la demande élevée de la part de la nouvelle classe moyenne étrusque. Les groupes Fluide, Sokra et Genucilia comptent parmi ceux qui ont standardisé leurs vases pour accélérer et augmenter leur production.

Le groupe de Praxias, localisé à Vulci, fut l’un des premiers groupes produisant des vases à figures rouges surpeintes. Actif au début du Ve av. J.-C., il se composait d’artistes d’origine ou d’inspiration grecque. Leur style se caractérise par un traitement particulier des corps et une simplicité des décors. L’œnochoé à embouchure trilobée de la collection présente un homme nu avec un rameau se tenant debout, ses muscles sont proéminents et renflés. C’est une œuvre d’un des héritiers du peintre de Praxias auquel on attribue 6 vases comme l’amphore du cabinet des Médailles (inv. De Ridder.913). Le groupe de Praxias, initiateur de la figure rouge surpeinte, témoigne de la porosité des échanges entre les Étrusques et les Grecs concernant la céramique.

Par la suite, la production de vases à figures rouges surpeintes s’amplifia et se diffusa chez d’autres groupes comme celui de Sokra, actif au IVe siècle av. J.-C. La kylix de la collection, réalisée vers 320 av. J.-C., lui est attribuée. Le décor présente dans un médaillon un homme nu, un drapé à la main gauche et une branche de laurier à la main droite. Les vases de ce groupe se caractérisent par leurs surpeints roses, leurs palmettes et volutes. Leur production était relativement limitée, c’est ainsi que peu de leurs vases se sont retrouvés dans des collections.En revanche, le groupe du Fantôme, lui succédant dans le domaine de la figure rouge surpeinte, fut plus populaire et produisit de façon massive et répétitive des vases, à l’image d’une œnochoé de la collection. Ornée d’une figure fantomatique sur sa panse, elle présente un décor de volutes. Elle témoigne d’une dégénérescence de la céramique à décor surpeint, qui se limita à un style fermé à toute innovation et à une production massive de vases à décor très simple. Les oenochoés de ce groupe étaient très répandues en Étrurie jusqu’au début du IIIe siècle av. J.-C., et les motifs de ce groupe furent repris dans d’autres ateliers à Cerveteri et à Tarquinia à la suite d’une migration d’artistes. Au Louvre se trouve une centaine d’oenochoés de ce groupe qui faisait partie de la collection Campana ; cela montre à quel point ces vases étaient produits et collectionnés en grand nombre.

Plat de Genucilia, Falerii Veteres, deuxième moitié du IVe siècle av. J.-C., 1967.2.1142.41, © F. Lauginie et © Musée George Sand et de la Vallée noire, La Châtre, utilisation réservée à l’Université de Tours.

Le groupe Genucilia, localisé à Faléries puis à Cerveteri, produisait des plats à figures rouges décorés au centre d’une tête féminine, comme celui de la collection Beaufort, ou d’une étoile, entre le début du IVe siècle av. J.-C. et le milieu du IIIesiècle av. J.-C. Leurs plats furent produits en grand nombre et plus de 600 exemplaires furent retrouvés, diffusés à Tarquinia (32 plats), à Cerveteri (plusieurs centaines), à Rome, et même en Corse, à Aléria. Leur diffusion fut plus importante lorsque l’atelier était localisé à Cerveteri, car l’influence commerciale de Cerveteri s’étendait vers le Latium et l’Étrurie certes, mais aussi aux côtes corses. Les plats se trouvaient ainsi en grande quantité dans les tombes et les sanctuaires, ce qui explique qu’ils furent découverts en grand nombre avant d’entrer dans les collections privées. Sur les 69 plats du groupe Genucilia conservés au musée du Louvre, 68 appartenaient à la collection du marquis Giampetro Campana, ce qui montre la popularité de ce groupe aussi bien dans l’Antiquité qu’au XIXe siècle.

Les plats de ce groupe présentent des similitudes avec les vases du groupe de Barbarano, également produits à Faléries, mais beaucoup moins répandus. Généralement connu pour ses œnochoés avec un profil féminin sur la panse et une palmette verticale sur le col, le groupe se voit également attribuer une olpé de la collection. Cependant, l’attribution de vases à ce groupe est peu étudiée et facilement remise en question. Leur production est assez similaire à d’autres productions falisques telles que celle du groupe Fluide, ou encore du peintre Full Sakos auquel est rattaché un skyphos de la collection. L’attribution d’un skyphos semblable conservé au Museum of Fine Arts de Boston est proposée, avec la même hésitation, au groupe Fluide, à celui de Barbarano ou encore au peintre du Full Sakkos.

Le groupe Toronto 495 souffre également d’un manque d’informations. Une oenochoé dans la collection, produite entre 320 et 280 av. J.-C., pourrait être attribuée à ce groupe, sans qu’il soit possible d’étudier de façon plus approfondie sa production et sa réception.


Bibliographie

  • F. Gaultier, L. Haumesser, K. Chatziefremidou, L’art étrusque : 100 Chefs-d’œuvres du Musée du Louvre, Paris, 2013.
  • M. Harari, « Etruscan Painted Ware of the Classical and Hellenistic Period », dans M. Torelli (dir.), The Etruscans, catalogue de l’exposition (Venise, 26 novembre 2000 – 1er juillet 2001), Milan, 2000, p. 439-453.
  • M. Martelli, La ceramica degli etruschi: La pittura vascolare, Milan, 2000. 
  • C. Mazet, Le Muséum étrusque d’Antoine Vivenel : catalogue raisonné de la collection étrusque du musée Antoine Vivenel de Compiègne, Milan-Compiègne, 2015.
  • M. Torelli, « Genucilia : épigraphie et fonction, quelques considérations », dans L. Ambrosini, V. Jolivet, Les potiers d’Étrurie et leur monde. Contacts, échanges, transferts, Paris, 2014, p. 415-428.