Contextes de découverte

L’histoire des fouilles archéologiques

Si les premières traces d’activités assimilables à l’archéologie remontent au VIe siècle av. J.-C. en Mésopotamie, notamment à Babylone, il est nécessaire de nuancer l’idée d’un intérêt constant pour le passé. En effet, si l’Antiquité gréco-romaine a connu un certain engouement pour les vestiges et objets anciens, souvent à des fins religieuses ou artistiques, il s’agissait davantage d’un intérêt esthétique ou politique que d’une véritable démarche scientifique visant à comprendre les civilisations disparues.

C’est à la Renaissance que l’intérêt pour les civilisations anciennes s’affirme, stimulée par un regain d’intérêt pour les textes anciens et les vestiges du monde antique. Cependant, il est important de souligner qu’à cette époque, l’objet archéologique primait encore sur son contexte. Les collectionneurs et érudits s’intéressaient avant tout à la beauté et à la rareté des pièces antiques, sans toujours chercher à en décrypter le sens ou la fonction.

Cette période a également été une période de fouilles intenses, parfois non réglementées, motivées par la découverte de beaux objets anciens. Cette frénésie a entraîné la destruction de nombreux sites archéologiques, pillés pour leurs trésors. Néanmoins, elle a également permis la découverte d’une multitude d’objets d’une grande valeur historique et artistique. Face à l’afflux de ces artefacts, le besoin de les répertorier et de les documenter s’est fait sentir. C’est ainsi qu’en 1612, Paul Petau publie un catalogue illustré de sa collection personnelle d’antiquités, considéré comme le premier catalogue d’objets archéologiques en France. Un important phénomène de collectionnisme apparaît alors.

Une figure importante de l’archéologie est le comte de Caylus, considéré comme l’un des pionniers de l’archéologie moderne. Ce dernier considère l’objet comme un ensemble, ce qui permet d’attribuer cet ensemble de traits à un lieu et une période, ce qui constitue une approche novatrice dans le domaine. Il s’intéresse également à la typologie des objets. Parallèlement à Caylus, Johann Joachim Winckelmann a, lui aussi, été considéré comme l’un des fondateurs de l’archéologie moderne. Son œuvre, notamment son Histoire de l’art de l’Antiquité (1764), a contribué à diffuser les connaissances archéologiques dans toute l’Europe. Mais, c’est aussi le premier à porter intérêt à la fonction de l’objet et au contexte d’utilisation, de plus en plus de catalogues d’objets naissent alors. 

Si les prémices de l’archéologie ont été marquées par l’enthousiasme pour les objets anciens, il fallut attendre le XIXe siècle pour voir l’émergence d’une méthodologie scientifique rigoureuse. Cette évolution s’est cristallisée autour de la découverte et de l’application de la stratigraphie. Cette pratique consiste en l’étude des couches du sol qui se succèdent, ce qui permet de mieux dater les vestiges. C’est Jacques Boucher de Perthes qui est le premier à lier cette pratique à la discipline archéologique. En outre, il a insisté sur l’importance de la présence continue des archéologues sur le site des fouilles afin d’éviter les pillages et de ne rien perdre du contexte historique des objets découverts.
Parallèlement à l’adoption de la stratigraphie, l’archéologie a également bénéficié d’une approche plus systématique et rigoureuse. L’archéologue britannique Mortimer Wheeler a joué un rôle déterminant dans ce domaine en introduisant la technique de fouille en carrés stratigraphiques. Cette méthode consiste à diviser le site en zones de dimensions prédéfinies et à fouiller chaque carré couche par couche, en veillant à documenter méticuleusement les relations entre les différentes strates.

Les fouilles archéologiques clandestines et la découverte des vases italiotes

S’agissant de l’Italie du Sud, les fouilles clandestines ont perduré aux XIXe et XXe siècles, alimentant le marché de l’art, alors en plein développement pour les antiquités, mais faisant perdre le contexte des objets. Parallèlement à ces fouilles illégales, une autre pratique s’est développée : les fouilles commanditées par des personnages politiques. Ces mécènes, souvent mus par des motivations de prestige ou de gain personnel, ordonnaient des fouilles archéologiques dans le but d’acquérir des objets de valeur pour leur propre collection ou pour les offrir en cadeaux diplomatiques, diffusant ainsi dans toute l’Europe les objets.

Reconstitution d’une tombe fouillée (élab. M. Jaconnelli et A. Gourault)

Lutte contre le trafic illicite de biens culturels en Italie : vers un patrimoine restitué

Le cas de l’ Italie

Face à l’ampleur du trafic illicite de biens culturels, l’Italie a pris des mesures fortes en créant en 1969 le Comando Carabinieri per la Tutela del Patrimonio Culturale (Commandement des Carabiniers pour la protection du patrimoine culturel). Cette unité spécialisée, composée de carabiniers hautement qualifiés, a pour mission de lutter contre le pillage, le trafic et la falsification d’œuvres d’art et d’objets archéologiques.

L’action du Comando Carabinieri a permis de faire progresser significativement la restitution d’œuvres d’art et d’objets archéologiques victimes de trafic illicite. Le cas du musée archéologique de Tarente en est une illustration. Grâce à de longues et minutieuses investigations débutées en 1995, les autorités italiennes ont pu identifier et récupérer de nombreuses pièces provenant de fouilles clandestines.

L’exposition MitoMania. Storie ritrovate di uomini ed eroi, organisée en 2019 au musée archéologique de Tarente, présentait au public 14 vases, dont 13 de production apulienne et un faux d’époque moderne, rendus au musée de Tarente par des musées américains au début des années 2000. L’exposition visait à sensibiliser le public à l’importance de la protection du patrimoine culturel.

Le cas de la France

La lutte contre le trafic illicite de biens culturels et la promotion de leur restitution à leur pays d’origine s’inscrivent dans un cadre international défini par la Convention de l’UNESCO de 1970. Cette convention, ratifiée par 195 États parties, impose aux signataires la création d’un service national de protection des œuvres d’art, d’archéologie et d’objets d’intérêt culturel.

En 2021, Emmanuel Macron a marqué un tournant important en annonçant la restitution de 26 œuvres d’art pillées par les troupes coloniales françaises en Afrique. Cette décision faisait suite à son discours de 2017 au Burkina Faso, dans lequel il avait exprimé sa volonté de rendre les œuvres acquises par la France durant l’époque coloniale. Des procédures de restitution ont été lancées avec le Nigéria et la République démocratique du Congo, concrétisant l’engagement du président français.

Emmanuel Macron souhaite également rendre le patrimoine italien pillé lors des campagnes de Napoléon Bonaparte. C’est ainsi que le Vatican se voit retirer un chef-d’œuvre antique, le Laocoon, ou encore que Venise se voit dépouiller du tableau de Véronèse, Les Noces de Cana. Napoléon reçoit alors de nombreuses œuvres qui lui permettent d’alimenter les collections du musée Napoléon, notre actuel musée du Louvre.

Si une partie des œuvres pillées par Napoléon a été restituée après sa défaite en 1815, un nombre important demeure sur le territoire français. La restitution de ce patrimoine italien s’avère complexe en raison de la dispersion des œuvres dans différents musées français. Les musées concernés, souvent réticents à se séparer de ces pièces, compliquent les démarches de restitution. Chaque région italienne victime de pillage doit formuler une demande de restitution, ce qui alourdit le processus. La volonté politique de restitution exprimée par les autorités françaises se heurte donc à des obstacles juridiques et institutionnels.

Le cas du Royaume-Uni

En octobre 2021, l’université d’Aberdeen en Écosse a décidé de restituer au Nigeria une tête de bronze appartenant à l’ancienne dynastie Edo, qui avait été pillée en 1897. Cette décision s’inscrit dans un contexte de réflexion en Europe sur la restitution des trésors culturels africains acquis pendant la période coloniale.

Un autre exemple est plus parlant : la guerre opposant l’Angleterre à la Grèce pour les sculptures du Parthénon. En 1983, Melina Mercouri, ancienne ministre de la Culture grecque, s’est engagée dans une croisade pour la restitution des frises du Parthénon. Ces sculptures, d’une longueur totale de 75 mètres, avaient été prélevées en 1803, sur demande du diplomate Lord Elgin et vendues ensuite lors au British Museum de Londres. La Grèce affirme que ces sculptures ont été pillées de manière illégale à l’époque coloniale, tandis que le Royaume-Uni soutient qu’Elgin les a acquises légalement. Malgré les nombreuses demandes de la Grèce, le British Museum refuse jusqu’à présent de restituer ces marbres, considérés comme l’un des joyaux de ses collections.

Alors qu’en est-il aujourd’hui ? En janvier 2023, George Osborne, président du British Museum, a évoqué l’idée d’un ‹ échange culturel » plutôt qu’un retour définitif de ces sculptures à Athènes. Cet échange permettrait de contourner la loi de 1963 qui interdit de céder ou de vendre des objets de la collection du musée. Cette proposition d’échange vise à trouver un compromis, mais les négociations sont toujours en cours entre le musée britannique et les autorités grecques.

Bibliographie

  • E. Degl’Innocenti, A. Consonni, L. Di Franco, L. Mancini (dir.), Mitomania, Storie ritrovate di uomini ed eroi, Rome, 2019.
  • A. Schnapp, Histoire de l’archéologie et l’archéologie dans l’histoire, dans J.-P. Demoule, F. Giligny, A. Lehoërff, A. Schnapp (dir.), Guide des méthodes de l’archéologie, Paris, 2010, p. 9-39.
  • A. Schnapp, La conquête du passé. Aux origines de l’archéologie, Paris, 2020 (3e éd.).
  • A. Schnapp, Une histoire universelle des ruines, Paris, 2020.

Sitographie