Évolution des techniques

La production de vases figurés dans le monde italiote s’étend sur les quatre grandes périodes :  l’époque géométrique (de 900 à 720 av.J-C), l’époque orientalisante (de 720 à 580 av.J-C), l’époque archaïque (de 580 à 480 av.J-C) et l’époque classique (de 480 à 323 av.J-C). La fin de la période classique et le début de la période hellénistique marquent la fin de la céramique figurée.

Au cours de ces périodes, les peintres ont utilisé différentes techniques, évoluant et se complexifiant avec le temps, afin de représenter, essentiellement, la figure humaine. Il est important de retenir également que ces productions figurées n’occupent qu’une place secondaire dans la production céramique générale. Détaillées et précieuses, donc chères, elles étaient réservées à une élite qui pouvaient y accéder, et étaient utilisées dans le cadre de rituels et d’activités, dont le banquet et le symposion. De l’époque géométrique jusqu’à l’époque classique, la grande majorité des vases ne présente aucun décor ou uniquement des décors linéaires et géométriques, avec pour objectif de répondre à un besoin rapide et abondant en vase (stockage de la nourriture et des boissons, transport des denrées, cuisine, etc.).

Technique de la silhouette

La première technique développée pour représenter la figure humaine apparaît au cours de la seconde moitié du VIIIe siècle av. J.-C., la silhouette, complétée par le dessin au trait à partir du début de l’époque orientalisante. En outre, l’époque orientalisante est également marquée par la technique de la polychromie, en particulier en Sicile.

Dessin d’après un cotyle produit à Pithécusses, museo archeologico di Pithecusae, 168867 (élab. Naïm Cornalba)

La technique de la silhouette est la première utilisée. Elle se caractérise par des représentations simplifiées des motifs, remplis entièrement de vernis noir. Cette méthode empêche la présence de détails et se développe en premier lieu dans la production grecque des îles de Rhodes. Par la suite, cette technique s’étend à la production ionienne. La silhouette, par sa simplicité, ne peut pas s’appliquer à des scènes trop complexes, au risque de brouiller la compréhension du décor. A l’époque géométrique, les motifs produits sont simples et répétitifs, en témoigne un cotyle produit à Pithécusses et découvert à Lacco Ameno (Ischia). On y observe un ensemble de motifs, dont le central, sur la panse, représentant une file d’oiseaux aquatiques en silhouette entourée de deux bandes de vernis noir.

Technique du dessin au trait

Dessin d’après un cratère produit à Pithécusses, museo Archeologico di Pithecusae, 168817 (élab. Naïm Cornalba)

Vient ensuite la technique du dessin au trait, pour laquelle le principe évolue légèrement par rapport à la silhouette. Les motifs sont alors représentés par leurs contours là encore, mais sans remplir le dessin de vernis noir, ce qui offre une plus grande place aux détails. L’évolution artistique permet une complexification du décor par rapport à la période géométrique, tout en conservant une certaine simplicité dans les détails. Bien que cette technique offre de nouvelles possibilités, elle demeure limitée pour la représentation de scènes élaborées ou de détails minutieux. Les motifs restent sobres, avec des représentations d’animaux notamment. C’est le cas sur un cratère, produit à Pithécusses, sur lequel sont représentés des chevaux. Entre les anses, la scène principale est  encadré d’une série de chevrons. On voit ensuite un cheval tourné vers la gauche, son sabot placé tout a l’arrière est rempli de vernis noir. Il est séparé par deux lignes verticales d’une femme placée au centre. Elle a une robe à motif géométrique, les bras qui montent à sa tête. Deux lignes verticales la sépare d’un cheval à droite, tourné vers elle en profil qui semblant uriner et dont le museau, les pattes avants et arrières sont là aussi remplis de vernis noir. L’ensemble de la scène est encadré de lignes verticales (à droite et à gauche) et horizontales (au-dessus et en-dessous).

Dess’in d’un cotyle produit à Pithécusses, museo Archeologico di Pithecusae, 168876. (élab. Noryane Deslandes)

Le cotyle visible ici est un autre exemple de la technique du dessin au trait. L’embouchure du vase est délimitée par deux lignes horizontales fines. On retrouve sur les anses deux traits fin suivant l’orientation de ces dernières. Au même niveau est représenté un serpent qui ondule, aux courbures duquel sont dessinés un motif en ‹ H ». La panse est composée de multiples lignes horizontales, puis d’une frise de larges triangles inversés avec au niveau de leurs pointes une ligne épaisse horizontale suivie ensuite de deux lignes fines, d’une ligne épaisse puis du pied du vase, vide de décor.

Technique des figures noires

La période archaïque se complexifie avec l’arrivée de la technique des figures noires, offrant aux peintres la possibilité de créer des scènes plus détaillées.

Dessin d’après une amphore à col produite à Tarente, Tarente, museo archeologico nazionale, 110335 (élab. N. Deslandes)

À partir de la fin de l’époque orientalisante, nous pouvons observer une évolution importante dans les techniques, avec l’apparition de la technique des figures noires. Née à Corinthe vers 630 av. J.-C., cette technique se diffuse rapidement à travers la Grèce et la Grande Grèce. Elle se définit par un travail du décor et des motifs au vernis noir, sur un fond laissé en réserve, c’est-à-dire conservant sa couleur d’origine (couleur pouvant varier selon les régions, oscillant entre le beige clair en Grande Grèce, jusqu’au rouge plus marqué en Attique). Les détails sont ensuite incisés et, parfois, le décor est rehaussé de touches colorées, le plus souvent en peinture blanche. Ces rehauts de couleur offrent un très large éventail de détails possibles, ouvrant la possibilité à la représentation de scènes plus complexes qu’auparavant. La méthode de fabrication en elle-même change également, avec une cuisson en plusieurs étapes. Dans un premier temps, le vase est placé dans un four avec un apport en oxygène important : c’est la cuisson oxydante. Lors de cette étape, la céramique rougit pour obtenir sa couleur de fond. Ensuite, le four est privé d’oxygène : c’est la cuisson réductrice. Le vase devient alors entièrement noir, fonds et décor confondus. Enfin, une troisième cuisson, à nouveau avec apport d’oxygène, permet de redonner à l’argile sa couleur, tandis que le décor reste cette fois-ci de couleur noire puisqu’elle s’est fixée lors de la cuisson précédente. On obtient ainsi des décors noirs sur fond jaune-orangé, auxquels sont ajoutés des détails par incisions et, dans certains cas, par rehauts de peinture. Ce type de pratique traduit l’influence que des cités comme Corinthe peuvent avoir sur la production.

La céramique à figures noires est parfois accompagnée de rehauts polychromes. C’est le cas avec cette amphore à col, dont la panse est ornée d’une scène représentant deux sirènes ailées affrontées, dont les plumes des ailes et de la queue sont alternativement noires et rouges. Au-dessus de la scène, se trouve une frise de languette, également alternativement noires et rouges.

Technique des figures rouges

Un tournant est pris à la fin du VIe siècle av. J.-C. dans la technique de réalisation des décors, avec l’apparition de la technique des figures rouges à Athènes, vers 530 av. J.-C.

Dessin d’une péliké du Peintre de Pisticci, Paris, musée du Louvre, G 544 (élab. Naïm Cornalba)

La technique de la céramique à figures rouges est restée longtemps limitée à Athènes et sa région. Apparue vers 530 av.J-C, l’Attique reste le seul centre de production jusqu’au milieu du Ve siècle av. J.-C., bien que la production s’exporte vers l’Étrurie tyrrhénienne, l’Italie méridionale et la Sicile.

Cette technique représente, en quelque sorte, le contraire de la technique des figures noires, dans la mesure où les motifs sont laissés en réserve et le fond est recouvert de vernis noir. Le trait est beaucoup plus fin, grâce à l’usage de pinceaux venant remplacer les incisions auparavant employées. La méthode de fabrication des vases reste sur le même principe, avec une première cuisson oxydante, puis une réductrice, et à nouveau une oxydante. Par son aspect plus détaillé et plus aboutie, cette technique prend rapidement le monopole de la production, remplaçant quasiment entièrement la céramique à figures noires dès 475 av. J.-C. La précision des décors est notamment observable sur une péliké, datée de 430 av. J.-C. et attribuée au Peintre de Pisticci, artisan rattaché à la production lucanienne. Le vase est intégralement recouvert de vernis noir, seul le décor travaillé en réserve apparait de couleur orange. La technique des figures rouges permet la multiplication des détails, notamment sur le chiton et les coiffures des trois figures féminines.

Le développement de cette technique s’accompagne également, en Grande Grèce, de l’ajout, lors de la fabrication des vases, d’un ocre rouge sur le vase. Cet ocre, appelé miltos, a pour but de rougir la couleur au départ plutôt beige de l’argile, dans l’optique d’imiter la production attique afin de la concurrencer, objectif des premières productions de vases à figures rouges en Occident. En effet, l’argile attique étant riche en oxyde de fer, elle est de couleur rouge, contrairement à l’argile disponible en Italie.

Bibliographie

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  • M. Lista, M. Denoyelle, L. Chazalon, Vasi antichi. Museo Archeologico Nazionale Napoli, Naples, 2009.
  • C. Lyons, M. J. Bennett, C. Marconi (dir.), Sicily. Art and Invention between Greece and Rome, Los Angeles, 2013.
  • T. Schreiber, Athenian Vase Construction. A Potter’s Analysis, Malibu, 1999.