Amphore à spirales

    Propriétaire : Ville de Chartres
    Détenteurs précédents : Giampietro Campana, Musée du Louvre
    Numéro d’inventaire : 2009.10.1
    Lieu de conservation : Musée des Beaux-Arts de Chartres (réserves)

    Caractéristiques matérielles et techniques

    Dimensions : Hauteur 11,5 cm ; diamètre du pied 3 cm
    Matériau : Terre cuite (bucchero nero), décor incisé
    Technique : Céramique tournée, incision
    État : Bon état général, traces d’abrasion au niveau de la panse et du col et plusieurs éclats au niveau de la lèvre
    Marquage : étiquette “6” à l’intérieur du vase, étiquette “4” sur le col

    Typologie

    Dénomination : amphore à spirales
    Date de création/fabrication : période orientalisante
    Style : local (étrusque)
    Fabrication : Étrurie méridionale /Latium
    Provenance : Étrurie méridionale / Latium

    Description

    Cette amphore de la collection Campana a été déposée en 1863 au Musée des Beaux-Arts de Chartres, dans le cadre de la répartition des œuvres décidée en 1862. Cette petite amphore en bucchero nero mesure 11,5 cm de hauteur et 3 cm de diamètre pour son pied. Elle a une panse globulaire reposant sur un pied en disque plat. Le col est élancé et se rétrécit dans sa partie supérieure. Les parois du col sont concaves. L’amphore est composée de deux anses plates verticales qui relient l’embouchure large à l’épaule. Le vase est monté au tour de potier. Sur les deux faces de la panse on observe un décor géométrique incisé de doubles spirales, à l’intérieur d’une métope délimitée par quatre traits obliques. Les spirales sont composées de cinq spires tracées à main levée. La forme de la panse, ainsi que les décors incisés sont caractéristiques des créations étrusco-latiales du VIIe siècle avant J.-C.

    © Ville de Chartres, musée des Beaux-Arts

    Analyse stylistique

    La technique du bucchero, la forme de la panse, les incisions fines, ainsi que le décor à doubles spirales de la panse attestent que cette amphore est caractéristique de la production de l’époque orientalisante. Ce type de céramique se développe en Étrurie Méridionale et dans le Latium au cours du VIIe siècle. Cependant, bien qu’il s’agisse d’une production locale, les vases en bucchero reprennent des caractéristiques de la céramique grecque. J. Gran-Aymerich (Gran-Aymerich 2014, p. 123-124) classe la production de bucchero en six phases, entre 680 et 300 avant J.-C. La première phase, entre 680 et 630 avant J.-C., correspond aux premiers vases en bucchero inspirés de l’impasto aux décors incisés. Le bucchero reprend ces techniques de décor avec ses parois fines et sa couleur noire qui rend un éclat métallique (Gran-Aymerich 1981, p. 2-3), tandis que durant la deuxième phase, entre 630 et 610 avant J.-C., on voit une augmentation de la production avec la création de séries de luxes. Durant cette période se développe la fabrication d’amphores à anses plates avec des décors incisés. Cette petite amphore à spirales se situerait donc entre la première et la deuxième phase de production de vases. Il existe des amphores en bucchero de la collection Campana similaires dans les collections du Louvre et du British Museum. Certaines sont datées de la première phase, comme l’amphore du Louvre (C 508 Cp 2353). D’autres se situent dans les deux phases, comme l’amphore du British Museum (1839,0214.97). Ces amphores présentent les mêmes caractéristiques : un pied circulaire plat, une panse globulaire, deux anses plates et un col évasé. L’amphore à spirales de Chartres proviendrait donc d’Étrurie méridionale et daterait de la deuxième moitié du VIIe siècle avant J.-C.

    © Ville de Chartres, musée des Beaux-Arts

    Analyse contextuelle

    Le premier atelier de production de vases en bucchero est identifié à Cerveteri au début du VIIe siècle, il est caractérisé par de nombreuses formes, techniques et décors incisés. Il existe deux types de production : le bucchero de prestige qui naît au VIIIe siècle et le bucchero domestique qui apparaît aux VIIe et VIe siècle (Gran-Aymerich 2014, p. 123-144). Les vases de prestige étaient munis d’un décor discret avec seulement quelques motifs incisés sur les parois. Ils étaient rares mais se sont généralisés, et ont été produits en masse dans le dernier tiers du VIIe siècle. Le bucchero domestique était utilisé comme vaisselle du quotidien, sans décor incisé. Cette amphore à spirales est donc une céramique de prestige, originairement dédiée aux banquets dans les familles aristocratiques, pour contenir du vin. Elle appartenait au mobilier funéraire d’une tombe étrusque. J. Gran-Aymerich émet une hypothèse selon laquelle ce type de vases aurait pu être rattaché au monde féminin (Gran-Aymerich 1995, p. 53-54). En effet, elles auraient pu servir au stockage du miel, si l’on en croit certaines inscriptions étrusques présentes sur ces petites amphores.

    Conclusion

    Cette amphore à spirales n’est pas une œuvre particulièrement originale dans la mesure où il s’agit d’un modèle produit en série, dont on connaît de nombreux exemplaires. Cela n’empêche pas, cependant, qu’elle ait eu une valeur significative de  “revitalisation” dans le monde funéraire, en tant que récipient pour des matières précieuses et hautement symboliques, puisqu’associées à la vitalité : le vin ou le miel.

    Bibliographie

    L’art des peuples  Italiques. 3000 à 300 avant J.-C., 1994, cat. exp. (Paris, Mona Bismarck Foundation, 1er mars – 30 avril 1994), Paris, p. 66-69 ; 172-177.

    Gaultier, F., Haumesser L., Trofimova A. (dir.), 2018, Un rêve d’Italie. La collection du marquis de Campana, cat. Exp. (Paris, Musée du Louvre, 08 novembre 2018 – 18 février 2019), éd. Lienart et du Louvre, Paris, p. 78-79 ; 141-143.

    Gran-Aymerich J., 1995, « Le bucchero et les vases métalliques », Revue des études Anciennes, Tome 97, Vaisselle métallique, vaisselle céramique. Productions, usages et valeurs en Étrurie, p. 45-76, disponible sur : https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1995_num_97_1_4607 (consulté le 05.05.2022)

    Gran-Aymerich J., 1981, « Le bucchero étrusque. Rupture et continuité », Cuadernos de Trabajos de la Escuela Española de Historia y Arqueología en Roma, vol. 15, Madrid, p. 1-7, disponible sur : https://digital.csic.es/bitstream/10261/151126/1/Le%20bucchero%20etrusque.pdf (consulté le 06.05.2022)

    Gran-Aymerich J., 2014, « Le bucchero : céramique de prestige et céramique commune, en Étrurie et en Méditerranée orientale », in L. Ambrosini (dir.) Les potiers d’Étrurie et leur monde. Contacts, échanges, transferts, éd. Armand Colin recherches, Paris, p. 123-144.

    Orgogozo C. et Lintz Y. (dir.), 2007, Vases, bronzes, marbres et autres antiques. Dépôts du musée du Louvre en 1875. Étude historique et catalogue, éd. Gourcuff et du Louvre, Paris, p. 84.

    Rasmussen T. B., 2006, Bucchero Pottery from Southern Etruria, éd. Cambridge University Press, Cambridge, p. 1-6 ; 68-74 ; 131-136.

    Santrot M.-H., Frère D., Hugot L. (dir.), 2004, Vases en voyage de la Grèce à l’Étrurie, cat. exp. (Nantes, musée Dobrée, 23 janvier 2004 – fin avril 2007), éd. Somogy, Paris, p. 76-77.