Œnochoé à col droit

    Propriétaire : État français
    Détenteurs précédents : Giampietro Campana
    Numéro d’inventaire : 574
    Numéro de dépositaire : 11.680 (1875)
    Lieu de conservation : Musée de l’Hospice Saint-Roch, Issoudun

    Caractéristiques matérielles et techniques

    Dimensions : Hauteur 19,5 cm ; diamètre de la panse 10 cm
    Matériau : Terre cuite épurée de couleur brun clair, vernis noir
    Technique : Céramique tournée, décor peint (figures rouges)
    État : Bon état général. Décor en partie effacé par des abrasions ou dissimulé sous des concrétions.
    Marquage : pas de marquage visible

    Typologie

    Dénomination : œnochoé à col droit
    Date de création/fabrication : période hellénistique (dernier quart du IVe s. av. J.-C. – premier quart du IIIe s. av. J.-C.)
    Style : céramique à figures rouges étrusco-falisque
    Fabrication : Étrurie méridionale (Cerveteri ?), atelier du Groupe du Fantôme
    Provenance : Italie centrale

    Fonction

    L’œnochoé est un vase utilisé dans le cadre du symposion, une pratique à laquelle s’adonne l’aristocratie grecque et étrusque (Jolivet 2013 p. 306). Elle servait à puiser le vin dans un cratère et à le verser dans des coupes ou des kylikes. Leur valeur était relativement importante pour leurs propriétaires, si bien que les œnochoés pouvaient intégrer le mobilier funéraire, comme le laisse supposer leur bon état de conservation. (Briquel 2004 p. 140)

    Description de l’objet

    Il s’agit d’une œnochoé à col droit et au bec biseauté, dotée d’une panse ovoïde à la base légèrement concave. L’anse verticale de section hémisphérique est recouverte d’un vernis noir et relie la lèvre à la panse. L’œuvre était anciennement enregistrée sous le terme « prochoï vernissé » dans les Cataloghi du marquis Campana. Sa forme correspond à la catégorie VII déterminée par J. D. Beazley. Cette typologie étrusque est caractéristique des vases du Groupe du Fantôme (Pianu 1978 p. 173), comme en témoigne également l’œnochoé du musée des Beaux-Arts de Dijon (inv. S 2252). Toutefois, nous remarquons que la base des œnochoés de l’atelier est généralement plus fine et plus marquée que celle d’Issoudun. Le vase, en terre cuite brun clair, est réalisé au tour. L’œuvre présente un décor surpeint brun-rouge sur un fond de vernis noir. Cette technique, simple et rapide, s’est développée dans l’aire falisco-cérétaine dans le dernier quart du IVe siècle av. J.-C. grâce au Groupe du Fantôme.

    Description du décor

    Sur le col, entre deux rinceaux végétaux stylisés, se trouve un motif végétal en épi. Une frise de hachures verticales serrées, bordée de deux filets horizontaux, souligne le galbe de l’épaule. La partie antérieure de la panse illustre le décor principal : un personnage masculin (Orgogozo 2007 p. 102) peint en silhouette. Il se tient debout, arqué, de profil vers la gauche et semble avoir le genou légèrement plié en avant. Il porte un lourd manteau drapé et incisé au niveau du col par trois stries parallèles. Le « fantôme » se place entre deux doubles rinceaux stylisés, terminés par un élément floral à trois gros points formant un trèfle. Enfin, deux filets horizontaux définissent la ligne de sol sous la scène peinte.

    Stylistiques, iconographie

    Cette œnochoé et son décor est caractéristique de l’atelier étrusco-falisque appelé le Groupe du Fantôme. Leur production témoigne, pour de nombreux chercheurs, d’une décadence du niveau qualitatif général de la céramique à décor surpeint (Briquel 2004 p. 143). La production est massive et le décor est très simplifié, il se limite à de simples motifs végétaux, parfois accompagnés d’une silhouette sans particularité anatomique, que les chercheurs qualifient de « fantôme » (Briquel 2004 p. 140). Leur vêtement est figuré sans draperie et le revers autour du cou est souvent représenté par un simple gonflement (Pianu 1978 p. 172). L’œnochoé du musée Dobrée de Nantes (inv. D 863.1.45) représente également ce décor.

    La production de la typologie VII du Groupe du Fantôme a tout d’abord été intuitivement divisée en deux sous-catégories, sur des critères iconographiques et stylistiques, par Mario A. Del Chiaro en 1967. En étudiant la production, Giampiero Pianu l’a divisée en quatre sous-catégories en 1978 (Pianu 1978 p.173). En raison de la présence imposante du fantôme, du genou plié en avant sous sa veste, du motif en épi et du surpeint de couleur rouge, l’œnochoé se rapproche du sous-groupe A (Pianu 1978 p. 174), tout comme l’œnochoé du musée Saint-Rémi de Reims (inv. 2019.1.52).

    Contexte archéologique et historique, originalité de l’œuvre

    Il semblerait que les artisans de Sokra, installés à Faléries à la fin du Ve siècle av. J.-C., aient migré à Cerveteri et Tarquinia, où ils implantèrent de nouveaux ateliers de céramique à figures rouges, suite à la guerre de 358 – 51 av. J.-C. contre Rome. La production du Groupe du Fantôme connaît son apogée dans la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., avant d’être supplantée par la céramique à vernis noir au début du IIIe siècle av. J.-C. (Briquel 2004 p. 143). Le chercheur G. Pianu a recensé en 1978 307 vases de la production du groupe du Fantôme (la liste n’est pas exhaustive), dont 18 œnochoés du sous-groupe A (Pianu 1978 p. 184).

    Afin de déterminer si les vases du Groupe du Fantôme ont été produits dans un atelier de Cerveteri ou de Tarquinia, comme l’avait suggéré M. A. Del Chiaro (Pianu 1978 p. 183), il faut également étudier la diffusion des vases à figures rouges selon les lieux de découvertes. En effet, on remarque que la production du Groupe du Fantôme a largement été diffusée dans la zone d’Étrurie maritime, notamment dans la colonie étrusque d’Aléria (Pianu 1978 p. 184), tout comme les vases cérétains à figures rouges. A l’inverse, la diffusion des productions de Tarquinia est limitée et ne dépasse pas les limites de la ville. De plus, de nombreux matériaux d’importation cérétains et falisques y ont été retrouvés. Cette réflexion mena G. Pianu à la conclusion que le Groupe du Fantôme s’était probablement implanté à Cerveteri (Pianu 1978 p. 186).

    Conclusion

    Le mobilier funéraire qui accompagne la production du Groupe du Fantôme confirme la datation de la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C. (Pianu 1978 p. 186). Toutefois, l’originalité de l’œnochoé, le vêtement incisé du personnage et son genou plié, l’exécution soignée du col et de son motif en épi, ainsi que la large base du vase, permet d’attribuer l’œuvre aux premières productions du Groupe du Fantôme. En effet, ces éléments dans la conception de l’œnochoé et de son iconographie, témoignent de son lien avec les productions falisques du Groupe de Sokra, qui lui ont servi de modèle (Pianu 1978 p. 174 et 183). L’œnochoé du Groupe de Sokra conservée au musée du Louvre à Paris (inv. K 634 / Cp 1239), permet d’apprécier ces points de comparaisons.

    Bibliographie

    BRIQUEL D., SANTROT M.-H., LESSEUR C. et HUGOT L., Vases en voyage : de la Grèce à l’Étrurie, Paris, Somogy éditions d’art, 2004, p. 140-143.

    JOLIVET V., « Les productions artisanales : la céramique à figures rouges », in : GAULTIER F. (dir.), Les Etrusques et la méditerranée. La cité de Cerveteri, Paris, Somogy éditions d’art, 2013, p. 306. 

    ORGOGOZO C., LINTZ Y. (dir.), Vases, Bronzes, Marbres et autres antiques. Dépôts du musée du Louvre en 1875. Étude historique et catalogue,Paris, Musée du Louvre Editions, 2007, p. 102.

    PIANU G., « Due fabbriche etrusche di vasi sovradipinti. Il gruppo Sokra ed il Gruppo del Fantasma » [en ligne], in : Mélanges de l’École française de Rome. Antiquité, 90, 1, 1978, p. 161-195. URL : <https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-5102_1978_num_90_1_1144> (consulté le 06/05/2022)

    Comparaisons

    Figure 1 : Œnochoé, dernier quart du IVe s. av. J.-C. ; premier quart du IIIe s. av. J.-C., argile, vernis et peinture, H. 17 cm., Dijon, musée des Beaux-Arts, inv. S 2252 (profil et face recto © 2018 Musée du Louvre / Antiquités grecques, étrusques et romaines)

    Figure 2 : n°115 : Œnochoé à décor surpeint au « fantôme », 310-290 av. J.-C., argile, vernis et peinture, H. 20 cm., Nantes, musée Dobrée, inv. D 863.1.45 (Source : BRIQUEL 2004 p. 142)

    Figure 3 : Œnochoé à bec en biseau, fin du IVe s. av. J.-C., argile, vernis et peinture, H. 20,7 cm. Reims, musée Saint-Rémi, inv. 2019.1.52 (profil et face recto © Christian Devleeschauwer)

    Figure 4 : Œnochoé, première moitié du IVe s. av. J.-C., argile et peinture, H. 17,8 cm., Paris, musée du Louvre, K 634 (profil et face recto © 2009 Musée du Louvre / Antiquités grecques, étrusques et romaines)