Crotone est une colonie grecque de Calabre, fondée vers 710 av. J.-C. par les Achéens sous l’égide de Myscellos, d’après le récit de Strabon.
La production de cette colonie grecque est plutôt courte et archéologiquement, elle n’a livré que peu d’éléments qui permettraient de compléter cette chronologie. La production de Crotone semble se résumer à un mot : imitation. Les recherches ont, en effet, montrées que les ateliers de Crotone copiaient essentiellement les productions de Corinthe, autant les formes que les décors, une pratique commune à d’autres colonies grecques. Les formes les plus récurrentes sont celles liées à la consommation du vin, comme les coupes
La production d’époque géométrique
La production céramique crotonienne a commencée très tôt, dès la fin du VIIIe siècle av. J.-C., soit peu de temps après sa fondation, ce qui s’explique par le fait que la colonie devait acquérir un niveau d’auto-suffisance pour combler rapidement les besoins. Toutefois, nous n’avons que peu d’informations sur cette période et sur la production géométrique de la ville.
Il y a tout de même quelques caractéristiques techniques facilement identifiables de cette période avec un empâtement du vernis qui se poursuit entre la fin du VIIIe siècle et le début du VIe siècles av. J.-C. Un fragment retrouvé présente également une pâte de couleur noisette, légèrement granuleuse et molle avec une peinture brune. Une série de bols retrouvée permet d’avoir une idée sur le décor de cette époque qualifiée de tardo-géométrique corinthien avec une représentation de hérons. Un autre fragment d’un cratère montre aussi des motifs de méandre brisés et des pointillés avec une imprécision des lignes. Cet élément nous montre ainsi que les ateliers coloniaux ont été rapidement capables de produire des vases au décor complexe avec une maîtrise de la décoration géométrique corinthienne tardive de la part des peintres. Cela laisserait supposer qu’ils ont soit été influencés par la production de Corinthe, soit formés là-bas.
La production d’époque orientalisante
L’influence de Corinthe sur la production de Crotone se poursuit durant la période orientalisante. La production de Siris est un bon exemple car elle a eu une certaine résonnance sur celle de Crotone ainsi qu’à Tarente et Caulonia. Il y a l’exemple d’un dinos qui présente une décoration inspirée de la tradition cycladique avec des anses mobiles en anneau qui imitent les vases précieux ainsi qu’une délimitation graphique par un motif “a vela”, typiquement italique.
L’iconographie des vases de Crotone est malheureusement très limitée et les fragments découverts nous permettent seulement de deviner des influences de Corinthe, de l’île d’Ithaque ainsi que de la Grèce de l’Est avec un décor souvent identique sur les deux faces. Ces motifs sont tout de même assez répandus dans les centres coloniaux, ce qui ne permet pas d’affirmer les relations directes entre Crotone et les artisans de Grèce ou encore d’isoler les tendances stylistiques dérivées de Corinthe. Sur les fragments découverts au sanctuaire de Taverna di Circo Marina situé à proximité de Crotone se trouve une représentation qui suit la tradition sub-géométrique ainsi que le style. Il provient d’un vase de forme fermée de grandes dimensions avec un décor de file d’oiseaux aquatiques à patte courte, réalisés de manière schématique et sans incision pour les détails.
La morphologie des vases trouvés atteste ainsi qu’il y a bien une consommation du vin notamment dans la sphère domestique durant cette période. Elle montre aussi une demande très forte de vases à boire, comme le prouve l’afflux de kotylai protocorinthiens à décor subgéométrique constitué de lignes verticales avec plusieurs bandes d’épaisseur à mi-hauteur. Les cratères proto-corinthiens sont assez rares à Crotone, mais la demande de grands vases ouverts reste assez forte. D’un point de vue morphologique, les cratères de Crotone se caractérisent par un bord uniforme, épais et incliné vers l’extérieur.
Pourtant, en étudiant les décors de plusieurs fragments, il semblerait que Crotone s’écarte du modèle corinthien par la présence de champs de métope plus élevé, des trémolos verticaux disposés de façon oblique, et non horizontale, et des bandes ondulées qui se développent horizontalement sur l’épaule. Les formes sont donc dilatées avec un manque de précision pour le trait qui s’éloigne de la clarté et de l’aspect serré des décors proto-corinthiens. C’est une évolution qui reste tout de même assez lente mais qui montre bien un remaniement et un assouplissement des motifs.
Cette rareté de la figuration humaine sur les vases de Crotone prouve également que les décors n’ont pas réussi à dépasser le stade de la simple répétition des motifs sub-géométriques. Le décor s’appauvrit ainsi progressivement ce qui empêche une solide production orientalisante.
La production d’époque archaïque
La production céramique de Crotone reste dans un cadre de reprise et d’adaptation des thèmes du répertoire corinthien, ce qui crée un certain isolement. Cela engendre une incapacité à changer pour se mettre à jour face aux changements de goûts des différentes époques. Parallèlement, de nombreux ateliers sur la côte ionienne, qui imitent les vases corinthiens, sont crées.
Les ateliers de Crotone ont, tout de même, produit quelques vases à figures noires qui ont été découverts essentiellement dans le sanctuaire de Taverna di Circo Marina. Ces vases sont réalisés à partir d’une argile locale épurée dont la couleur tend vers le rose clair et le jaune pâle et représentent essentiellement des décors animaliers.
Même si cela ne signe pas la fin de la production de vase à Crotone , celle-ci s’épuise rapidement pour n’être plus constituée, à partir du VIe siècle av. J.-C., que de vases non décorés ou seulement par un décor de bandes de lignes monochromes sur de grands espaces vides.
Bibliographie
- M. Denoyelle, M. Iozzo, La céramique grecque d’Italie Méridionale et de Sicile, Paris, 2009.
- L. Lepore, P. Turi (dir.), Caulonia tra Crotone e Locri, atti del convegno internazionale, (Firenze, 30 maggio-1 giugno 2007), Florence, 2010.
- C. Sabbione, < L’artigianato artistico >, dans Crotone, atti del ventitreesimo Convegno di Studi sulla Magna Grecia (Taranto 7-10 Ottobre 1983), Tarente, 1984, p. 245-301.