Production de Mégara Hyblaea

Le site de Mégara Hyblaea a été largement fouillé et un grand nombre de vases a été retrouvé. La production de vases de la ville s’étend de l’époque géométrique jusqu’au IIIe siècle av. J.-C., bien que la ville soit essentiellement connue pour les époques orientalisante et archaïque.

Quelques fragments permettent d’attester une production de céramique locale à la fin de l’époque géométrique, dès la fondation de la ville. Les motifs représentés sont simples : lignes verticales et horizontales, points, lignes de points et rosettes. En revanche, la production d’époque géométrique n’étant conservée que sous forme de fragments, cela ne permet pas de distinguer des caractéristiques particulières ou des groupes de peintres identifiables.

La production d’époque orientalisante

De 720 av. J.-C. à 580 av. J.-C. l’époque orientalisante se développe dans le monde italiote. Certaines formes sont privilégiées à partir du début de cette époque, comme les cratères à rebords courts, possédant un pied bas et possédant un bec verseur, ou encore les vases à boire, principalement les coupes et skyphoi. Les vases de grandes dimensions sont décorés de métopes encadrant des scènes dans lesquelles les motifs figurés sont représentés, comme des animaux, des bateaux et des personnages. L’argile de cette période est épurée, fine et de couleur beige clair. Elle contient souvent des petits grains ou des traces de mica. Cette production est très proche de la production attique dont elle s’inspire. La production de Mégara se rapproche également de la production crétoise, notamment avec le motif de deux potniai thérôn et deux étalons affrontés.

Le décor ornemental occupe toujours la majeure partie des vases, bien que se développe les représentations figurées. Ces motifs sont réalisés selon les techniques du dessin au trait et de la silhouette, avec l’emploi ponctuel d’incisions et de rehauts de couleurs.

Reproduction à plat du stamnos CA 3837, conservé au Louvre et datant du deuxième quart du VIIe siècle av. J.-C. (élan. Maëva Pinot)

À partie de 675 av. J.-C., la technique de la polychromie, fortement inspirée par la production crétoise et égéenne et proposant des vases plus complexes, se développe, plus particulièrement en Sicile et plus rarement en Italie du Sud. Cette technique est essentiellement connue grâce à la production de Mégara Hyblaea et a permis à François Villard d’établir les caractéristiques des différentes phases de cette technique.
              La première phase est celle de la polychromie partielle. Elle est née au second quart du VIIe siècle av. J.-C. en Égée et apparait vers 675 av. J.-C. à Mégara Hyblaea. Le dessin au trait est associé aux représentations en silhouettes et le dessin coloré est cerné par un trait. La couleur est obtenue par la dilution plus ou moins importante du vernis noir. L’anatomie est schématique, le haut du corps des femmes est souvent représenté avec une forme de demi-cercle. Les visages sont peu détaillés et les scènes sont organisées en frise.
             La seconde phase est celle de la polychromie totale. Elle apparait vers 660 av. J.-C. et se poursuit jusqu’en 640 av. J.-C. La palette chromatique se développe et les couleurs utilisées sont le rouge, le jaune et le blanc. Le jaune et le rouge sont cernés d’un trait noir et sont principalement utilisés dans les zones à décoration florale. L’anatomie est plus réaliste dans les proportions et quelques traits rendent les détails anatomiques. Les visages sont plus réalistes dans leurs proportions.
             La troisième phase est celle de la polychromie complète, qui s’étend de 640 à 620 av. J.-C. Le vert, le bleu et le violet s’ajoutent aux couleurs précédemment employées. La couleur se retrouve partout, dans les scènes figurées et les ornementations. Cette même technique est développée à Métaponte et à Athènes.

Ce que François Villard considère comme une quatrième phase peut être considérée comme une production de transition avec l’époque archaïque et l’arrivée de la technique de la figure noire. Elle apparait dès les années 630-625 av. J.-C. Le dessin au trait est associé à la figure noire qui est toujours colorée. Les figures noires prennent une plus grande importance que la polychromie qui ne se retrouve que sur les nus.

La production d’époque archaïque

Durant l’époque archaïque, les vases produits à Mégara Hyblaea imitent la production corinthienne et représentent donc des frises d’animaux. De nouvelles formes apparaissent comme la pyxide tripode, une création corinthienne de la fin du VIIe siècle av. J-C. qui est immédiatement reprise par l’artisanat local.
L’originalité iconographique de la production mégarienne est de reprendre et d’associer des motifs d’origines différentes dans le but de couvrir des vases aux dimensions importantes.
Le développement de certains motifs montre que les inspirations mégariennes se situent dans la continuité des périodes précédentes. Le motif crétois de l’abeille, aussi appelé abeille-lotus, peut border les angles des métopes.

La production des époques classique et hellénistique

La majeure partie des fragments de vases d’époques classique et hellénistique semble avoir été retrouvée dans le secteur résidentiel, comme le montrent les recherches actuelles sur ces fragments. Les vases sont généralement de taille moyenne, bien que la production compte aussi des cratères, et l’argile est rouge, orange, jaune/beige avec et sans miltos. Les corps sont larges et les articulations souples. Le jaune et le blanc sont largement utilisés, ils réhaussent les bijoux et les attributs des personnages.
La production d’époque classique et hellénistique se caractérise par des thèmes liés à la sphère d’Aphrodite et à l’univers dionysiaque, largement diffusés à travers l’Italie du Sud et la Sicile.
Le groupe de Mégara Hyblaea, récemment identifié, en activité de 340 à 310 av. J.-C., représente Éros comme un personnage très androgyne, il porte des coiffures féminines et des boucles d’oreilles. Les fragments retrouvés de ce groupe permettent d’établir une scène type : un personnage avec des attributs féminins est représenté de trois-quarts et tient une offrande. C’est une scène générique typique de la production sicéliote du IVe siècle av. J.-C.

Durant le IIIe siècle av. J.-C., les vases figurés se raréfient. La céramique surpeinte continue à être produite mais sa qualité est moindre.

Bibliographie

  • L. de Barbarin, La céramique mégarienne archaïque : productions et styles, Contribution à l’histoire des communautés grecques de Sicile aux VIIIe et VIIe s. av. J.-C.. Archéologie et Préhistoire. Aix-Marseille Université, 2021.
  • L. de Barbarin, J.-C. Sourisseau, ‹ Trafics orientaux en Méditerranée occidentale. Quelques remarques sur la diffusion des styles céramiques dans le répertoire des cités grecques de Sicile orientale », Cahier du Centre d’Études Chypriotes, 2016, 46, p. 201-219.
  • L. Cavassa, P. Munzi, ‹ Mégara Hyblaea. Céramiques hellénistiques. 1. Céramiques en contexte », dans H. Tréziny, F. Mège (dir.). Mégara Hyblaea 7. La ville classique, hellénistique et romaine, Rome, 2018, p.307-350.
  • M. Denoyelle, M. Iozzo, La céramique grecque d’Italie Méridionale et de Sicile, Paris, 2009.
  • V. Jolivet, C. Pouzadoux, ‹ Éros dans tous ses États de l’Étrurie à la Sicile », Journée d’étude en hommage à Francois Villard, Paris, 2016.
  • P. Munzi, C. Pouzadoux, ‹ Des ‘fleurs de vigne’ pour Madeleine. Les expériences de la couleur et du surpeint de Lipari à Mégara Hyblaea : l’exemple du ‘Vine Group’ », dans M. Bernabò Brea, M. Cultraro, M. Gras, M. C. Martinelli, C. Pouzadoux, U Spigo (dir.), À Madeleine Cavalier, Naples, 2018, p. 305-316.
  • P. Munzi, C. Pouzadoux, M. E. De Salamanca, ‹ Mégara Hyblaea. Études des productions céramiques d’époque classique et hellénistique. Les campagnes 2018-2019 », Bulletin archéologique des écoles françaises à l’étranger [En ligne], mis en ligne le 22 mai 2021, consulté le 14 novembre 2023 (URL : http://journals.openedition.org/baefe/2548)
  • C. Pouzadoux, P. Rouillard, ‹ From Imported At the First Regional Productions in Sicily: The Example of Megara », dans S. Schierup, V. Sabetai (dir.), The Regional Production of Red-figure Pottery: Greece, Magna Graecia and Etruria, Aarhus, 2014, p. 270-277.
  • G. Vallet, F. Villard, Mégara Hyblaea 2. La céramique archaïque, Rome, 1979.
  • F. Villard, ‹ La céramique polychrome du VIIe siècle en Grève, en Italie du Sud et en Sicile et sa situation par rapport à la céramique protocorinthienne », Annuario della scuola archeologica di atene e delle missioni italiane in oriente, 14, 1983, p. 133-144.