La production d’époque archaïque
L’activité céramique à Métaponte durant l’époque archaïque suit une tendance générale en Occident, caractérisée par une production relativement modeste. La production métapontine archaïque se distingue peu de celle d’autres sites et s’inspire largement des modèles attiques, tant dans les formes choisies que dans les techniques employées, le style et l’iconographie. Ainsi, la production est majoritairement composée d’amphores, souvent à tableaux, réalisées selon la technique des figures noires. Des vases à boires, comme des kylikes ou des skyphoi, complètent le répertoire. Il est important de souligner que Métaponte se distingue par une production spécifique de perirrhanteria (bassins lustraux), destinée au sanctuaire de San Biagio.
La production d’époque classique
Vers 440 avant J.-C., Métaponte devient le premier centre italiote de production de vases à figures rouges. L’essor de cette production s’explique en partie par la volonté de concurrencer la production attique. Les premiers artisans de Métaponte s’inspirent fortement des techniques et du style attiques, comme le montre les réalisations du peintre de Pisticci, considéré comme le premier peintre italiote. Son style, très atticisant, proche de celui de ses contemporains athéniens, a longtemps conduit à l’idée qu’il était lui-même originaire d’Athènes et qu’il aurait immigré en Occident. Cependant, des recherches récentes, menées notamment par M. Denoyelle, suggèrent qu’il aurait plutôt reçu sa formation artistique à Athènes.
La production à figures rouges dite ‹ lucanienne » se divise en deux phases :
- La première phase, dite ‹ proto-lucanienne », s’étend de 440 à 370 av. J.-C. environ et est qualifiée de ‹ production métapontine » (Attia, Scapin 2015, p. 290) . Durant cette période, Métaponte joue un rôle central dans la production, devenant le principal centre de fabrication de ces vases.
- La seconde phase, dite du ‹ lucanien tardif », débute vers 370 av. J.-C. Elle se caractérise par une diversification des ateliers, notamment dans le Val d’Agri, et un déplacement de la production vers l’intérieur des terres.
Production proto-lucanienne (440-370 av. J.-C.)
La première génération de peintres métapontins, active entre 440 et 400 av. J.-C., est représentée par trois figures majeures : le Peintre de Pisticci, le Peintre du Cyclope et le Peintre d’Amykos.
Le Peintre de Pisticci, actif entre 440 et 420 av. J.-C., est considéré comme le fondateur de la production lucanienne. Son style, fortement influencé par la tradition attique, notamment Polygnote, se caractérise par des figures élancées aux proportions. Il privilégie les cratères en cloche, les hydries et les amphores de Nola, décorant ses vases de scènes de genre, de représentations de la vie quotidienne et de thèmes dionysiaques, mais très peu de scènes mythologiques. Le Peintre du Cyclope (actif entre 425 et 400 av. J.-C.) marque une évolution vers un style plus local, tout en conservant des influences attiques. Ses œuvres, essentiellement des cratères en cloche, comme son maître le Peintre de Pisticci, se caractérisent par des compositions plus complexes, une utilisation accrue de la polychromie. Enfin, le Peintre d’Amykos, contemporain du Peintre du Cyclope, développe un style plus personnel qui marque une transition vers le style lucanien proprement dit. Son style présente des figures plus trapues et des drapés plus élaborés. Ensemble, ces trois peintres ont joué un rôle crucial dans l’établissement et le développement de la tradition lucanienne, adaptant progressivement leurs techniques et leurs thèmes aux goûts des élites locales tout en conservant l’héritage de la tradition attique.
La première génération de peintres de vases à figures rouges se caractérise par un répertoire iconographique relativement générique. À l’exception notable des œuvres éponymes du Peintre du Cyclope et du Peintre d’Amykos, les représentations mythologiques sont rares. Le corpus visuel de cette période privilégie des thèmes plus génériques, comme les scènes de poursuite ou de conversation. Quant au panthéon, il se concentre essentiellement sur deux figures majeures et leur entourage : Éros et Dionysos (avec des représentations fréquentes de satyres et de ménades).
Le Peintre d’Amykos a, en outre, introduit une nouvelle forme au répertoire vasculaire grec vers 420 av. J.-C. : la nestoris. Cette forme, dérivée de la trozelle messapienne, forme typiquement italique, montre l’adaptation des potiers grecs aux besoins de leur clientèle locale. Elle se caractérise par une panse bionique, deux anses verticales courbées flanquées de deux rouelles et deux anses horizontales.
L’atelier des Peintres de Dolon et de Créüse, actif au sein du même atelier entre 380 et 360 av. J.-C. à Métaponte même, marque une nouvelle étape dans l’évolution du style lucanien, bien qu’ils soient héritiers des Peintre de Pisticci et Peintre d’Amykos. Le Peintre de Créüse aurait, par exemple, travaillé dans le même atelier que le Peintre d’Amykos. Cela suggère une continuité et un transfert de connaissances entre les différentes générations de peintres. De façon générale, cette génération se démarque par plusieurs aspects majeurs : une tendance à la création de vases de grandes dimensions, un usage plus fréquent des nestorides et la persistance d’une importante production de cratères en cloche. Les scènes figurées, plus complexes, s’étendent souvent sur plusieurs registres et représentent des épisodes mythologiques et tragiques. Le traitement des personnages révèle un souci accru du détail anatomique, avec des silhouettes élancées, des visages expressifs et une attention particulière aux drapés des vêtements. L’ornementation joue également un rôle important. Cette évolution stylistique marque une étape charnière dans l’histoire de la céramique lucanienne, vers une expression artistique locale plus affirmée et une maîtrise technique plus aboutie des artisans.
Production tardive (370-330 av. J.-C.)
La production lucanienne tardive de vases à figures rouges, datant principalement de la seconde moitié du IVe siècle av. J.-C., est caractérisée par une synthèse entre les traditions lucaniennes et les influences apuliennes. À cette époque, les échanges culturels entre les cités s’intensifient, favorisant la circulation des techniques et des motifs artistiques, notamment entre l’Apulie et la Lucanie. A. D. Trendall avait émis, en 1967, l’hypothèse d’une délocalisation des ateliers vers le Val d’Agri en raison des lieux de diffusion de cette production : essentiellement dans l’arrière-pays indigène de Métaponte pour une clientèle indigène. Cette période est notamment incarnée par le Peintre des Choéphores (actif entre 360 et 340 av. J.-C.), le Peintre de Naples 1959 et le Peintre du Primato, actifs entre 340 et 320 av. J.-C.
Le Peintre des Choéphores, est considéré comme un élève du Peintre de Créüse. Bien qu’il ait hérité du style de son maître, son dessin est généralement moins soigné. Ses œuvres se distinguent par des figures aux vêtements richement décorés, ornés de files de points en bordure et de bandes verticales. Il enrichit ses compositions en y intégrant des éléments paysagers, ornementaux et architecturaux. Son répertoire iconographique est varié, comprenant de nombreuses scènes mythologiques et tragiques, ainsi que des représentations de rituels comme la libation.
Si le Peintre de Naples 1959 subit l’influence du Peintre du Primato, son style s’en distingue par une exécution plus lourde et moins dynamique,marquée par une certaine répétition des types et motifs. Son répertoire iconographique, relativement restreint, privilégie les scènes mythologiques mettant en scène Athéna et Héraclès, ainsi que des scènes génériques. Reconnaissables à leurs corps trapus, leurs larges poitrines et, pour les personnages féminins, une poitrine proéminente, les figures du Peintre de Naples 1959 s’ornent souvent d’attributs distinctifs. Elles prennent place dans des compositions enrichies d’éléments paysagers, ornementaux et architecturaux, révélant un goût prononcé pour le décor, abondamment présent.
L’ atelier du Peintre du Primato est un des plus productif de cette fin de production lucanienne, avec plus de 200 vases attribués, couvrant une vingtaine de formes différentes. Cette diversité est due à la réponse à la demande variée de la clientèle. Les formes majeures de cette production sont les nestorides et les cratères à volutes, par l’influence apulienne. Dans la première partie de sa production, son style se caractérise par une affinité avec le style du Peintre de Lycurgue (Apulie), alors que son style est plus grossier et moins soigné. Le répertoire iconographique est composé de scènes mythologiques, essentiellement centrées autour de la figure d’Héraclès, de scènes dionysiaques, des scènes liées à l’univers d’Aphrodite et Éros, ainsi que de nombreuses scènes génériques et des scènes funéraires (influence de la production apulienne).
L’atelier du Peintre du Primato se distingue comme l’un des plus prolifiques de la fin de la production lucanienne, avec plus de 200 vases attribués couvrant une vingtaine de formes différentes. Cette diversité reflète la capacité de l’atelier à répondre à une demande clientèle variée. Les nestorides et les cratères à volutes, forme influencée par la production apulienne, dominent son répertoire. Le style du Peintre du Primato évolue au cours de sa carrière : initialement proche de celui du Peintre de Lycurgue (Apulie), il devient progressivement plus grossier et moins soigné. Son répertoire iconographique est restreint, s’il comprend des scènes mythologiques centrées sur Héraclès, il est essentiellement composé de représentations dionysiaques, des scènes liées à Aphrodite et Éros, ainsi que de nombreuses scènes génériques et funéraires, ces dernières témoignant de l’influence apulienne. Cette production diversifiée et abondante souligne l’importance de l’atelier du Peintre du Primato dans le contexte de la céramique lucanienne tardive.
Bibliographie
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