Valeur et signification des vases dans leurs contextes d’utilisation

Dans l’Antiquité, la forme des vases correspond aux besoins auxquels ils doivent répondre. Il existe cinq catégories de vases : les vases à conserver et à transporter, les vases à mélanger, les vases à puiser et servir, les vases à boire et, enfin, les vases à parfums. Certaines formes de vases ont été plus employées que d’autres, car elles ont une utilisation quotidienne ou au contraire une valeur particulière pour le commanditaire. Ce sont ces différents contextes d’utilisation qui influencent la forme des vases.

Tableaux des formes et des fonctions des vases (élab. M. Menoux, A. Laville)

Contexte funéraire

Les tombes sont les contextes qui ont livré le plus de vases et, surtout, les contextes les plus connus par l’archéologie. Certains des vases retrouvés dans ces tombes étaient achetés dès l’origine dans le but de se retrouver dans ce contexte, mais parfois certains vases étaient utilisés avant d’être déposés dans les tombes. La majorité des vases retrouvés dans les tombes italiques du VIe siècle et de la première moitié du Ve siècle av. J.-C. étaient de production attique, puisque l’aristocratie trouvait un fort intérêt à cette production. Ensuite, à partir du développement de la production italiote de vases à figures rouges en 440 av. J.-C., l’importation de vases attiques diminue au profit des productions locales.

La forme du vase était l’exigence principale des commanditaires. Certaines formes ont connu une fortune plus importante dans des régions données. Par exemple, le cratère à colonnettes était un objet particulièrement apprécié à Bologne (Felsina), tandis que le cratère à volutes connaissait un grand succès auprès de l’aristocratie italique d’Apulie. En outre, les formes sont associées selon des schémas spécifiques à chaque région, mais certaines formes étaient récurrentes dans les tombes d’Italie : kylikes, skyphoi, œnochoés, olpai, lécythes, amphores et cratères.

Ces vases s’inscrivent dans un contexte d’utilisation originelle lié au symposion, la cérémonie de consommation du vin, ou à la toilette. Il est assez évident de retrouver ces fonctions dans la tombe car elles sont le symbole des us et coutumes de la vie quotidienne, mais sont aussi liées au rituel funéraire. Le choix de certaines formes de vases est donc intentionnel car elles ont une fonction et une valeur dans le cadre funéraire.

Exemple de tombe avec son mobilier funéraire : amphore, cratère à volutes, hydrie, oenochoé, aryballe, canthare, lécythe, kylix (élab. M. Menoux, A. Laville)

Contexte domestique

Les espaces privés, comme les maisons, n’ont pas reçu le même intérêt dans la recherche que les nécropoles ou les sanctuaires. Cependant de nombreux vases de tout type se trouvaient dans ces demeures et suivaient le quotidien de ses propriétaires. Les formes des récipients les plus répandues sont les skyphoi, les coupes, les cratères, les amphores, les lécythes, les œnochoés et les olpai. Nous savons que de nombreux vases du foyer finissaient dans les tombes de leurs possesseurs après leur mort et les accompagnaient dans l’Au-delà. Cette refonctionnalisation implique une difficulté dans l’attribution des vases aux utilisations précises car leurs fonctions peuvent être modifiées au cours de la vie de l’objet. Aussi, un même vase pouvait servir à plusieurs usages dans la maison.

Malgré tout, l’archéologie a pu mettre au jour des fragments de vases dans certaines habitations fouillées. La ‹ Maison aux Pesons » de Forcello, située près de Mantoue et datant du milieu du Ve siècle av. J.-C., offre un exemple remarquable de contexte domestique bien préservé. Cette habitation a fait l’objet de fouilles extensives, permettant la découverte de la quasi-totalité des vases qui y étaient utilisés. Les fouilles ont mis au jour 205 vases de stockage (ollae), 30 vases produits en Étrurie padane (mais dont la forme n’est pas documentée), une amphore de production corinthienne et 50 fragments de vases à boires (coupes décorées de bandes, coupes recouvertes de vernis noir, coupes à figures noires tardives, coupes à figures rouges, skyphoi, coupelles) de production attique. L’analyse des découvertes archéologiques dans les contextes domestiques révèle une grande diversité de vases au sein de l’espace privé, qu’ils soient fins ou grossiers, souvent non décorés, mais quelquefois plus riches dans les décors. La majorité des vases sont importés, témoignant de l’existence de réseaux commerciaux étendus et diversifiés.  La richesse de la forme des vases varie en fonction du foyer, toutefois, il existe un répertoire de formes communes dans la plupart des habitations. Ces formes témoignent de besoins partagés, tout en laissant place à des variations individuelles en termes de qualité et de décoration. Certaines formes présentent des usages plus quotidiens alors que d’autres montrent des caractères plus festifs et solennels par leur morphologie assez atypique. Les influences grecques à partir du VIIIe siècle av. J.-C., entraînent une modification dans l’utilisation des vases ainsi que dans les formes locales, notamment par l’importation de la pratique du symposion. Des formes émergent après cette rencontre et s’implantent en montrant avec le temps une réappropriation de certaines formes avec des particularités des potiers.  

Exemple d’un intérieur d’une maison antique: Aryballe, Olpé, Cratère en cloche, Amphore, Péliké, Skyphos, Oenochoé.

Contexte sacré

Les pratiques religieuses antiques s’exercent dans divers espaces, allant du domaine privé aux grands sanctuaires publics. Bien que la sphère domestique joue un rôle dans la vie religieuse, ce sont les sanctuaires majeurs qui constituent les centres principaux du culte et des cérémonies religieuses collectives. De nombreux vases sont retrouvés dans ces sanctuaires, pour une majorité, fragmentaires. La plupart de ces vases sont des offrandes faites aux dieux mais peuvent aussi simplement êtres des vases utilisés pour les rites. Les formes des vases retrouvés en contexte sacré sont diverses, mais les plus fréquentes sont les skyphoi et les coupes qui sont utilisés pour les libations, tandis que les amphores, les cratères ou autres formes de grandes dimensions restent assez rares. Ce sont majoritairement des offrandes de plus petites tailles qui ont été retrouvées dans ces sanctuaires et non pas de grandes formes de vases.

Les sanctuaires n’étaient pas fréquentés uniquement par les locaux mais aussi par les individus de passage et de toutes origines qui déposaient leurs offrandes, c’est pourquoi nous retrouvons aussi de nombreux vases de diverses origines. Malgré la diversité des formes et des fonctions des vases et objets découverts dans les contextes sacrés, ce matériel était spécifiquement acquis pour un usage rituel ou religieux. En Étrurie, deux sanctuaires sont particulièrement connus, les sanctuaires de Gravisca et de Pyrgi dans lesquels ont été retrouvés plus d’un millier de vases et fragments de céramique. Pyrgi étant un fort point de passage (port de Cerveteri), de nombreux vases d’origines diverses, en particulier attique, y ont été découverts.

Exemple d’un lieu sacré: Kylix, Canthare, Amphore, Stamnos, Skyphos, Œnochoé, Cratère à Volutes.
Auteurs: Maëva Menoux, Auriane Laville

Bibliographie

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